• Chapitre 28.1

    Partie 1.

    Les jours qui s’écoulèrent ensuite ne firent qu’assombrir peu à peu l’humeur d’Elizia.
    Depuis qu’il leur avait tous raconté l’horrible scène qui s’était déroulée dans la Chambre du Maître, Adonis et Tessa lui avaient permis de s’installer dans celle que Florent occupait déjà. Évidemment, cela revenait à expulser le Pantin de ce qui avait été sa propre Chambre à l’initial, mais celui-ci avait prétendu s’en moquer, assurant qu’il avait déjà un autre endroit où aller. Sans doute parlait-il de l’antre de la Songeuse. Elizia le soupçonnait de les éviter.
    Néanmoins, ce n’était pas son récent emménagement qui le préoccupait. Les nouvelles étaient mauvaises et le temps passait trop vite, lui coulant entre les doigts comme le sable d’un sablier brisé. Ils entamaient déjà la deuxième semaine du mois qui leur était impartis, et ils n’avaient toujours rien.
    Au fond de lui, Elie savait que la pression de l’attente commençait sérieusement à se faire sentir, mais il ne parvenait jamais à un résultat assez satisfaisant pour se rassurer. Chaque fois que le Maître paraissait être sur le point de céder, il reprenait soudainement ses esprits et le plaquait contre les draps pour le prendre avec violence, le punissant encore et encore jusqu‘à plus soif. Tellement d’ailleurs qu’aujourd’hui son corps en était courbatu, douloureux et extrêmement sensible. Il avait parfois du mal à supporter le contact de son amant durant la nuit, et des visions de vengeance ne cessaient de le hanter, comme s’il ne faisait pas assez de cauchemars à cause de Belzébuth et de ce qu’il avait fait à son domaine et aux pauvres victimes de cet endroit!
    Car depuis l’incident de la Chambre des Plaisirs, Elizia pensait sens cesse à Prince. Et bien que le souvenir qu’il ait gardé de l’irruption du démon chez l’incube ne soit plus très précis, il lui était impossible d’oublier son odeur et son aspect repoussants, son ignoble sourire, ainsi que son affreuse concupiscence. Il avait envie de l’égorger comme le porc qu’il était, mais il ne pouvait rien faire contre un prince des enfers, et rien que penser à cet état de fait le rendait malade. Il aurait tant aimé posséder la même puissance que lui pour pouvoir enfin lui rendre la monnaie de sa pièce! Il revoyait souvent en pensées les mines soucieuses des étudiants aux regards fuyants et aux démarches précipitées qu‘il avait croisé dans les couloirs de l‘école les rares fois où il s‘y été promené. Sans doute était-ce à cause de ce qu’Olivia et Célestina leur avaient raconté, ce qui rendaient donc leurs réactions tout à fait naturelles. Mais Elizia ne pouvait s’empêcher de frissonner de malaise tant l’atmosphère autour de lui était tendue, morne, affreusement déprimante. Et encore une fois, il ne pouvait rien faire, et cela le tuait.
    Baissant son regard triste sur le visage endormi de son amant, Elie poussa un soupir à fendre l’âme.
    Il vivait désormais avec Florent depuis maintenant quelques jours, et celui-ci essayait, tant bien que mal, de le rassurer à sa manière, de lui apporter un peu de paix, de réconfort, et de détente, afin de chasser l’angoisse qui lui étreignait l‘âme. Mais étrangement, ce n’était jamais suffisant, et cela perturbait beaucoup Elie. Jamais, à aucun moment, son cœur n’avait su ou pu résister au magnétisme qu’exerçait le jeune homme sur lui. Où qu’ils soient, le blond avait toujours eu un effet apaisant sur le lui, alors pourquoi restait-il imperméable à sa présence? Pourquoi aujourd’hui, et pas un autre jour?
    Réfléchir à ce genre de chose était blessant. Surtout lorsqu’il lui arrivait d’avoir l’impression de s’éloigner de son amour, et qu’il se rendait compte du vide que Florent laisserait en lui s’il venait un jour à disparaitre de sa vie. Il finissait invariablement en larmes. C’était terrifiant.
    Au contact d’une joue douce et chaude contre son bras, le jeune homme se sentit frissonner, et ce fut avec soulagement qu’il abandonna ses chimères, pour reporter son regard sur celui qui occupait toutes ces pensées.
    Pelotonné contre son flanc comme l’aurait fait un nouveau-né, Florent soupirait et s’étirait voluptueusement contre lui sans même s’éveiller. Son visage d’ange au repos lui évoquait celui d’un enfant assoupi, et ce fut avec la plus grande des tendresses qu’il lui caressa le front, le regard attendri par cette vision. Puis, comme s’il sentait que son cœur contenait trop d’amour pour un seul être, et qu’il allait déborder, il éprouva le besoin de poser une main affectueuse sur le sommet de son ventre pour le caresser lui aussi, comme s’il pouvait lui transmettre ses sentiments par ce moyen.
    Il savait que son abdomen semblait avoir doublé de volume en l’espace de quelques jours et que les inquiétudes de Florent concernant cette soudaine croissance accélérée étaient fondées. Mais il ne s’attardait jamais très longtemps sur la question lorsqu’Elizia lui rappelait qu’ils n’avaient pas à faire à un bébé seulement humain mais également demi démon, et rien que le fait qu’il ne rejette pas la nature de cet enfant le rendait plus heureux que jamais. Il avait même manqué de pleurer de joie lorsqu’il s’en était rendu compte!
    Les deux mains posées à même sa peau, Elizia percevait sous ses doigts fébriles, les mouvements et les pulsations du bébé qui bombardait sa matrice de manifestations chaque fois plus puissantes. Était-ce parce qu’il était impatient de naître? Ses coups de pied étaient de moins en moins espacés, et se faisaient de plus en plus douloureux, alors peut-être était-ce un signe?
    Levant les yeux à cause d’un bruit qu’il venait d’entendre, le jeune homme vit sortir de la salle de bains un Adonis aux cheveux mouillés et à la mine maussade. Il ne portait qu’un caleçon de soie pour tout vêtement, et ne semblait pas vouloir s’attarder plus longtemps que nécessaire. Tout, dans son attitude, transpirait l’agressivité et la colère, et d’un côté, le jeune baron le comprenait.
    Il admettait volontiers que sa position devait être affreusement difficile à tenir, et que la douleur qu’il éprouvait chaque fois qu’il voyait le couple qu’ils formaient Florent et lui, devait être horrible. Mais d’un autre côté, et même si ce comportement n’était pas sa faute, Elie commençait sérieusement à se lasser de sa susceptibilité à fleur de peau, de sa morosité permanente et de ses railleries frisant dangereusement la méchanceté. Il était un homme généralement pétri de patience, mais à ce rythme, il sentait qu’il allait bientôt exploser!
    Percevant tout d’un coup son regard sur lui, le Pantin se força à ouvrir la bouche et lui offrit une parodie de sourire.
    - Hé, déstresse Elie chéri, je ne suis que de passage. J’avais un besoin urgent de prendre un bain. Moi je ne suis pas un gros chat, il ne me suffit pas de ma langue pour être propre!
    Puis sans cesser de baragouiner des mots inaudibles dans sa barbe, Adonis ferma la porte derrière lui dans un claquement sonore.
    Les sourcils froncés, Elizia baissa à nouveau le regard sur son amant, et soupira. Par chance, son angelot n’avait pas moufté et dormait encore à poings fermés. Heureusement pour tous les deux, cet idiot frustré ne l’avait pas réveillé.
    Il soupira de nouveau.
    Depuis qu’Adonis ne se nourrissait plus ni du Maître, ni de Florent, tous - surtout Tessa -, savaient qu’il n’était plus le même non seulement d‘un point de vue physique mais également psychologique.
    Aucun d’entre eux n’était aveugle ou ignorant sur le sujet, mais Elie sentait qu’il y avait quelque chose d’autre qui manquait, quelque chose dont personne, pas même Adonis, n’avait conscience et dont il n’arrivait pas encore à identifier la nature.
    Rejetant la tête en arrière comme si ce moyen lui permettait de mieux réfléchir, Elizia leva les yeux au plafond, et ordonna ses pensées.
    Pour commencer, il savait que cela ne concernait pas son physique, car une fois privé de nourriture, Adonis ne pouvait que dépérir, or ce n’était pas le cas pour le moment : sa peau de lait avait toujours son éclat lumineux, son visage était toujours aussi poupin et son corps possédait encore toute sa finesse et toute sa séduction, malgré le pli amer qui tordait le bourgeon de sa bouche rosée et lui donnait un air étrange, à mi-chemin entre le dégoût et la rancœur.
    Ensuite, il savait que ce qui avait changé n’était pas non plus son caractère ou même ses pensées. Le Pantin s’était toujours montré méprisant et hautin avec lui, et il ne devait pas s’attendre à ce que cela change. Tout comme il ne devait pas croire qu’il abandonnerait un jour ses rêves de vengeance, ils étaient la seule chose qui lui permettaient de tenir debout et de ne pas s’effondrer comme une chiffe molle.
    Alors s’il ne s’agissait pas de tout cela qu’était-ce donc?
    Il venait d’énumérer tout ce qu’il savait du Pantin, et tout ce qu’il avait vu de lui, sans oublier ce qu’on lui avait dit de lui à son insu et ce qu’il avait découvert tout seul. Il avait encore à l’esprit des lieux où sa présence embaumait l’atmosphère, et des scènes qui résonnaient encore de sa voix d’ange, mais Elie sentait que ce qu’il cherchait ne concernait rien de tout ça. Il avait bien l’impression que quelque chose lui échappait, et que la réponse qu’il cherchait était quelque part ailleurs. Mais il n’arrivait pas à mettre la main dessus!
    Plissant les paupières sur ses yeux toujours levés, Elizia tenta de garder un esprit concentré.
    Il avait passé du temps à lister ce qu’il voyait, mais… avait-il réfléchit à ce qu’il ne voyait pas?
    Autrefois créé pour satisfaire les appétits sensuels du Maître, Adonis n’était pas né sans particularités.
    De par sa nature lascive, faite pour la chambre à coucher et les plaisirs de l’amour, le Pantin de Luxure avait toujours baigné dans l’atmosphère saturée de senteurs voluptueusement parfumées et affreusement érotiques du Maître, prélevant du même coup ce dont il avait besoin pour vivre et pour garder toute sa séduction. Mais lorsque la séparation avait eu lieu entre eux deux, toute cette énergie avait cessé de l’approvisionner, et ainsi privé de cette source de nourriture, Adonis avait commencé à dépérir, perdant peu à peu cette aura qui le rendait si séduisant et attractif.
    Les lèvres étirées par un petit sourire triste, Elizia sentit son estomac se contracter.
    Chacun d’entre eux avait perçu un changement chez Adonis, mais c’était sans vraiment savoir de quoi il s’agissait vraiment. Tous n’avaient pris en compte que le côté visuel de son être, alors qu’il s’agissait en réalité de l’énergie qu’il avait autrefois générée et qu’il ne produisait plus.
    Aujourd’hui, le corps malade du Pantin ne cherchait pas seulement à se réapproprier l’attention du Maître comme Elizia l‘avait d‘abord cru. Mais aspirait surtout à retrouver cette aura si pleine de magie, de séduction et de vie, qui avait si bien su le remplir d’énergie et de pouvoir, tout en sachant pourtant parfaitement qu’il n’y aurait plus jamais accès.
    En fin de compte, l’être entier d’Adonis leur hurlait à tous un appel à l’aide depuis le début sans que personne ne s‘en rende compte, et cela, Elizia était navré d’avoir mis autant de temps pour le comprendre.

    ***

    Quelques heures plus tard, Tessa, Florent, Adonis et Elizia étaient tous réunis dans la Chambre Bleue. Ce dernier leur avait donné rendez-vous dès la tombée de la nuit afin que le Maître n‘ait pas de soupçons sur le lieu où ils se trouvaient tous, et il avait dû réveiller son amant qui dormait profondément, ainsi qu’Adonis, qui tiré du lit contre sa volonté, affichait une mine encore plus renfrognée et affligeante que d‘habitude. Mais si ignorer les bouderies du Pantin étaient simples, faire de même avec l’impatience nerveuse de la Songeuse était impossible.
    - Et bien? Pourquoi nous as-tu convoqués Elizia? Tu sais parfaitement qu’Adonis n’aime pas cet endroit, alors j’apprécierais qu’on ne perde pas de temps si tu veux bien.
    Pas crédule pour un sou, Elizia plissa les lèvres. C’était plutôt son couple qu’il n’aimait pas oui!
    Pour autant qu’il sache, la Chambre n’avait jamais posé le moindre problème au Pantin durant les siècles où il y avait élu domicile, et si aujourd’hui la vue de cette pièce l’insupportait, c’était avant tout de sa faute! N’était-ce pas lui qui y avait enfermé Florent contre sa volonté?
    Bien sûr, il compatissait à sa situation particulière, mais Elie estimait qu’il n’avait pas à se cacher pour lui faire plaisir, c’était trop facile.
    Le corps saisit d’une pointe d’agacement, le jeune homme croisa les bras sur son torse.
    - J’ai un problème.
    Adonis grogna.
    - Ca on s’en doutait.
    Elizia l‘ignora.
    - Bien que j’aie tenté tout ce qu’il y avait à tenter, je ne parviens pas à lui arracher son maudit nom. La discussion, la négociation, la séduction, et même l’hypnose, ne fonctionnent pas. Et l’inciter à parler durant la jouissance est en réalité bien trop suicidaire. J’ai poussé un peu l’expérience il y a deux jours et le résultat…n’a pas été celui que j’espérais.
    Il avait bien vu Florent détourner le regard au moment même où il finissait sa phrase, mais Elie ne pouvait pas faire autrement que de dire ces mots tout haut, même en sachant que ces mêmes mots pouvaient le blesser. Parler de ce qu’il faisait avec le Maître leur était assez douloureux, et ils se débrouillaient toujours pour éviter d’en parler afin de préserver la stabilité de leur couple.
    En général, ils y arrivaient plutôt bien. Mais parvenir à garder le silence sur ce sujet dans des réunions de ce genre, c’était impossible.
    Peu concernée par les sentiments dramatiques qui émanaient d’Elizia et de Florent, Tessa se lécha une griffe.
    - Je vois. Et tu nous raconte tout cela en sachant qu’il ne reste que quelques semaines? Que penses-tu que nous pouvons faire?
    Elie haussa les épaules.
    - Je n’en sais rien. Peut-être pourriez-vous me donner des conseils? De nouvelles idées? Ou même d’autres tactiques de séduction? Je ne sais plus vraiment quoi faire, et je patauge complètement!
    - Moi j’ai une idée!
    Violemment surpris, Florent, Tessa et Adonis sursautèrent dans un bel ensemble. Puis, comme si leurs têtes étaient fixées sur un seul corps, elles se tournèrent d’un même mouvement vers l’intrus qui venait de faire irruption dans la pièce, tandis que celle d’Elizia, en revanche, resta immobile.
    Le corps devenu aussi raide que celui d’une statue, le jeune homme senti la colère l’envahir d’un seul coup. Il ne lui avait fallu qu’une seconde pour reconnaitre le propriétaire de cette voix si particulière, et il sentit bouillir son sang. Sautant sur ses pieds, Elizia pointa sur lui un doigt accusateur.
    - VOUS!
    Les yeux écarquillés et braqués vers Belzébuth, qui se tenait les bras croisés et les jambes écartées sur seuil de la porte, le jeune homme s’élança d’un bond vers lui, une pulsion meurtrière dans ses prunelles sombres.
    - JE VAIS VOUS TUER!
    Celui-ci, qui avait revêtu une apparence humaine, releva un sourcil amusé.
    - Je ne crois pas non.
    Interceptant avec aisance le poing qu’Elie allait lui enfoncer dans la mâchoire, le Prince lui retourna le bras derrière le dos et plaqua son visage contre le mur le plus proche, le tout sans utiliser plus de force que nécessaire.
    - Tiens, tiens, tiens, mais n’est-ce pas le Réceptacle de notre incube que voilà? Désolé jeune humain, mais le jour où je mourais de ta main ou de celle de n’importe lequel d’entre vous n’est pas encore venu. D’ailleurs, si je me souviens bien, c’est toi que j’ai interrogé dans la Chambre de ce démon traitre! Lui et toi veniez sans doute de vous livrer à ces actes contre-nature. C’est dégoûtant.
    Fourrant son nez dans son cou, Belzébuth glissa une main sur le devant de son corps, et inspira son parfum à grandes goulées.
    - Ton ventre…Oh oui, je peux sentir son odeur. Je perçois les mouvements de ce rejeton comme si je le portais en moi. Par l’enfer, un être tel que lui ne devrait jamais exister, c’est répugnant. Je devrais te tuer, oui. Vous tuer tous les deux…
    - Lâchez-moi!
    - Non. Pas tout de suite. Sais-tu que c’est très mal élevé d’attaquer un allié de cette façon? D’autant plus que ne suis pas venu ici pour vous chercher des noises, mais pour vous apporter mon aide. Alors je me sens deux fois plus insulté.
    Se débattant de toutes ces forces, Elizia émit un cri de rage.
    - MENTEUR! Vous n’êtes qu’un menteur et un meurtrier!
    - Oui je sais. Mais ce n’était qu’un rôle temporaire mon cher. Il est inutile de se mettre dans un état pareil pour si peu. Vous n’êtes que de la viande après tout.
    - FERMEZ-LA!
    Toujours plaqué contre le mur, tel un vulgaire criminel, par l’être qu’il haïssait le plus au monde, Elizia fulminait. A cause de sa position, il n’avait plus personne dans son champ de vision, et le contact rugueux des mains de son adversaire sur son bras était si désagréable, que l‘envie qui le brûlait de se battre jusqu’au sang contre lui le faisait trembler. Il allait justement lui donner un violent coup d’épaule pour se dégager lorsqu’il sentit la présence de Florent près de lui. Son ton soucieux le fit tressaillir.
    - Qui êtes-vous?
    Il y eut tout d’un coup un silence morbide. Puis le démon prit la parole d’un ton moqueur.
    - Alors quoi, ton amant ne m‘as pas présenté? Voilà qui n’est pas gentil!
    Frappé par une évidence, qui lui avait échappé jusque-là, Elie retint un gémissement d‘horreur.
    Lorsque un peu plus tôt, il leur avait fait à tous le récit de ce qu’il s’était passé dans la Chambre des Plaisirs, Elizia il avait complètement oublié de leur dire que la bête immonde qui avait maté le Maître pouvait changer d’apparence et prendre forme humaine. Son esprit à cet instant avait été encore tellement choqué qu’il n’avait retenu que le plus important, occultant alors complètement cet aspect des choses! Une telle négligence pouvait sembler bénigne, mais elle ne l’était pas du tout en réalité. A cause de lui, Florent aurait très bien pu se faire attaquer par ce grand Noir aux cheveux rouges durant la nuit, sans savoir à qui il avait à faire, et Elizia n’osait même pas imaginer à ce qu’il se serait produit alors.
    Le visage enfoncé dans la tapisserie pour cacher sa honte, Elie priait pour que Belzébuth tienne sa langue. Mais contre toute attente, ce fût la voix nonchalante et presque endormie d‘Adonis qui lui répondit :
    - C’est Belzébuth qui se tient devant toi mon petit Flo. D’ailleurs, le monde le connait principalement sous ce nom et sous bien d‘autres, mais tu peux également l’appeler Prince des Enfers si tu veux être plus pompeux, ou bien même Héritier du Trône démoniaque si l‘envie te démange d‘être cérémonieux.
    Il passa une langue espiègle sur ses lèvres rosées.
    - Ah, et tu peux aussi le considérer comme l’assassin des étudiants humains de cette soi-disant école. Mais bien entendu, c’est accessoire.
    Se reprochant mentalement sa propre stupidité, Elizia ferma les yeux un instant. Il n’osait pas tourner la tête vers son amant, mais il devinait à son silence qu’il était frappé d’horreur. Qui ne l’aurait pas été à sa place? Les lèvres serrées, il l’entendit reculer de plusieurs pas.
    - Attendez une minute. Adonis parle de vous comme si vous vous connaissiez, et d’ailleurs, il dit que vous êtes quoi? Vous m’excuserez si j’ai du mal à comprendre, mais, Elie nous a dit que vous étiez un monstre à tentacules de presque trois mètres! Pas un être humain à demi nu!
    Très peu troublé par l’étrangeté de la situation, le démon se gratta le sommet du crâne en bâillant. Elizia retint à grand peine son haut-le-cœur. L’haleine du démon était immonde.
    - Ouais, c’est aussi vrai que j‘ai un corps mieux bâti que celui-ci. Mais il ne semble pas vous avoir dit que je pouvais avoir cette apparence-là! Ce qui est intéressant, parce qu’en général, c’est celle-ci que vous préférez vous les humains. Je crois que c’est à cause d’une histoire de confiance. Je me trompe?
    - Je…Je n’en sais rien du tout.
    Au son de sa voix, Tessa, Elie et Adonis devinèrent immédiatement la peur et l’incertitude qui habitaient Florent. Et bien que Belzébuth ne semble pas nourrir des sentiments violents contre eux, tous ici savaient que les émotions telles que l’anxiété et la crainte, étaient exactement ce qu’il ne fallait pas ressentir face à un démon tel que lui. Exciter les instincts chasseurs d’une telle créature n’était pas du tout recommandé dans la situation dans laquelle ils se trouvaient.
    Alors qu’inconsciemment, leurs corps se raidissaient, prêts à passer à l’action au moindre mouvement suspect, Adonis détourna l’attention du démon de Florent et lui demanda d’un ton acide:
    - Belzé, pourquoi es-tu là?
    Visiblement agacé, le Prince renifla.
    - Il me semble vous l’avoir dit quand je suis arrivé. Je suis venu pour vous aider.
    - Bien sûr.
    Elizia entendit le Pantin glousser. Une réaction qu’il n’avait plus eue depuis des mois.
    - Bien essayé, mais tu ne gagneras pas plus de temps en me mentant comme tu le fais. Maintenant je veux la vraie raison, petit Prince.
    Adonis semblait être visiblement très à l’aise avec le démon, et le voir discuter si calmement avec lui raviva la colère d’Elizia. Pourquoi ne l’envoyait-il pas sur les roses comme l’avait fait Idalgo, s’il le connaissait si bien? Ce Pantin de malheur aurait dû le renvoyer d’où il venait au lieu de parler pour ne rien dire! C’était incroyable tout de même!
    Cherchant avant tout à se libérer de la poigne du Prince, Elizia se tortilla plus vivement que jamais.
    - Lâche-moi, sale ordure!
    La poigne sur ses bras s’accentua un tantinet.
    - Petit, chez moi quand on veut quelque chose, on le demande en faisant preuve de respect.
    Lui? Il devait respecter un démon? Le jeune homme éclata de rire.
    - Vous vous moquez de moi? Vous êtes celui qui répand le mal sur Terre et qui a tué des dizaines d’innocents ici sans le moindre remord, et c’est moi qui doit vous témoigner du respect et vous demander poliment de me lâcher? Vous rêvez! Maintenant LÂCHEZ-MOI!
    Son cri avait été féroce, et il n’avait pas attendu qu’il obtempère pour se débattre violemment. Pendant un moment, il crut que le grand Noir ne lâcherait jamais prise. Mais une décharge électrique surgit à l’endroit qui unissait sa main à son bras, et Belzébuth recula précipitamment en tenant son bras brûlé, feulant à son encontre comme s’il l’avait mutilé.
    Satisfait de lui-même, et de Bébé qui venait une fois de plus de l’aider, Elizia retourna auprès de Florent et des autres, son regard fulminant de colère tourné vers Adonis.
    - Toi! Depuis quand tu pactises avec l’ennemis?
    La totalité du corps allongé sur les draps de satin bleu, dans une pause des plus lascives qui laissa son accusateur de marbre, le Pantin lui jeta un regard hautin.
    - Belzébuth et moi nous connaissons depuis que je suis né. Il était présent ici bien avant ma naissance, et d’aussi loin que je m’en souvienne, le Maître et lui ont toujours été bons amis. Moi je n’ai jamais rien fait d’autre que suivre.
    Belzébuth eut un rire sans joie.
    - Ce que tu dis est en partie vrai. Mais depuis peu, nos relations se sont dégradées, et l’ami que j’avais cru avoir s’est révélé être un traître de la pire espèce.
    Se détournant d’Adonis pour faire face au Prince, Elizia attira Florent derrière lui pour le protéger. Tessa se leva à son tour pour faire barrage de son corps. Adonis, lui, ne bougea pas d’un pouce.
    - Alors si ce que tu dis est vrai, et que ta volonté de nous aider est réelle, explique-nous pourquoi tu as commis ces meurtres! Tous ces pauvres gens ne t’avaient rien fait. Tu n’avais pas besoin de leur ôter la vie!
    Passant une main large sur le court duvet qui couvrait son crâne, le Prince prit d’abord le temps de s’asseoir à même le sol avant de répondre.
    - Humain. Je ne dirais pas que je regrette ce que j’ai fait, parce que ce n’est pas le cas. Ce qui est fait est fait, et rien de ce qui a déjà été fait ne peut être défait. C’est la règle. Néanmoins, il y a une explication à cela, et je peux te la donner.
    L’esprit à la fois dévoré par la curiosité et par la méfiance, Elizia resta immobile un long moment avant de se décider à s’asseoir à son tour. Bien sûr, il ne faisait absolument pas confiance au Prince et ne prendrait aucune de ses paroles pour argent comptant, mais au fond de lui, il savait que ce qu’il allait entendre serait capital. Alors il ferait de son mieux pour rester objectif et trier le faux du vrai, même si sa haine était plus présente que jamais.
    Rapidement imité par Tessa et Florent, Elie prit une courte inspiration. Puis il fit signe à son ennemis, et le visage impassible, Belzébuth débuta son histoire.
    - Comme chacun de vous l’a deviné et sans doute vécu, celui qui se cache sous le nom d’Idalgo est un démon plus vicieux que les autres de par sa nature d’incube, mais également très malin et manipulateur. A une époque, j’ai cru à une amitié entre nous, mais lui n’y a vu qu’une opportunité d’amadouer l’Héritier des Enfers pour le garder sous sa coupe et faire de lui un chien fidèle qui le protégerait de la Reine en cas de danger. Bien entendu, ma loyauté envers lui avait un prix, et connaissant mon penchant démesuré pour la bonne chair, ce menteur a répondu à mes souhaits avant même que je ne les formules. Sachant déjà que sa magie ne pourrait agir ailleurs que dans cette prison où ma mère l’avait enfermé, il a exploité l’espace qu’il occupait, et ce, d’une façon si retorse que même mon père, pourtant créateur du mensonge, n’aurait pu l’imaginer. En usant de ses pouvoirs de la seule façon qui lui était permise, Idalgo a créé une gigantesque illusion et a transformé ces lieux désolés en fausse école, y attirant toujours davantage d’humains, le tout, sous un faux prétexte, et ce, pendant plusieurs années, afin qu’ils me servent de nourriture et m’offrent ainsi un lieu de rassasiement perpétuel. Cette diabolique assurance de ma docilité lui a garanti ma fidélité et ma protection, et à cette époque, je me suis senti si redevable et reconnaissant envers lui, que je lui ais juré mon amitié sans même qu’il me le demande. Il en a ri, je m’en souviens, et ce n’est qu’aujourd’hui que je me rend compte à quel point il me méprisait.
    Touché malgré lui par la douleur et la colère qui émanaient du Prince, Elie serra les lèvres. Florent venait de poser sa tête sur son épaule, et leurs mains se joignaient sur ses genoux avec force. Il aurait préféré se sentir moins concerné par cette histoire, mais c‘était plus fort que lui. Le démon était arrivé à toucher une partie de lui qu’il ne réservait habituellement qu’à son amant, et il détestait cela.
    Rien que d’y penser, il avait envie de le cogner.
    - Je ne connais pas la honte, les démons n’ont pas de conscience, mais je crois que si mon âme connaissait un tel sentiment, elle me consumerait tout entier pendant toute une éternité. J’ai vécu longtemps dans l’aveuglement, en le défendant contre ma mère, et en acceptant toutes ces remarques dénuées du respect qui m’es dû! Mais récemment, j’ai pris connaissance de vos plans ainsi que ceux de Paélia, j’ai découvert que tout ce en quoi cet incube m’avait fait croire était faux, que malgré tous ces siècles que j’ai passé à m’abaisser par amitié, il ne m’avait jamais estimé, et qu’il complote activement contre la Royauté des Enfers, un plan dont il ne veut rien me révéler et qui prouve clairement sa traitrise.
    En face d‘eux, Belzébuth vibrait de colère. Elle était si forte qu’ils en ressentaient les vibrations maléfiques jusque dans leurs os, et dans son regard sombre brûlait la flamme d’une haine si féroce et si meurtrière qu’Elizia craignit un instant qu’il ne perde le contrôle de lui-même.
    - Aujourd’hui, je ne désire plus rien d’autre de lui que ses révérences, ses cris de souffrance et ses supplications de pitié! Désormais, je ne souhaite plus que sa perte, et si je dois pour cela m’allier aux ennemis de mon ennemi, alors qu’il en soit ainsi!
    - Oui, qu’il en soit ainsi!
    Surpris par le cri sauvage d’Adonis, Tessa, Florent et Elie sursautèrent violemment.
    Tous avaient encore la tête pleine de tout ce qu’ils venaient d’apprendre en l’espace de quelques minutes, et aucun d’eux n’avait vu à quel moment le Pantin avait quitté le lit pour rejoindre Belzébuth et lier ses mains aux siennes dans un geste de compréhension fraternel.
    Considérant avec insistance le tableau que formaient Adonis et le Prince, Elizia trouva d’abord étrange de les voir positionnés ainsi. Mais après quelques minutes supplémentaires d’observation, il lui sembla que le grand corps noir et le petit corps blanc s’assemblaient plutôt bien en définitive.
    Jetant un regard à Tessa, qui était allongée à ses pieds, puis à son amant dont les paupières semblaient être lourdes de sommeil, Elie murmura d’une voix rauque:
    - Ton histoire est touchante Belzébuth, et je sens que tout ce que tu viens de nous raconter est vrai. Mais cela n’excuse en rien tout ce que tu as fait.
    Scintillant d’une lueur mauvaise, le regard sombre du Prince se fixa sur le sien.
    - Il est vrai que tu as été manipulé d’une façon absolument affreuse, et cela t’accorde des circonstances atténuantes, je l’avoue. Mais tu ne peux pas tout mettre sur le dos d’Idalgo et de sa folie. Tu as ta propre part de responsabilité vis-à-vis de tout cela, et nous savons tous ici que tu connais la valeur de la vie de chaque être humain vivant sur cette terre! Par ta faute et celle de cet incube maudit, trop de personnes ont déjà perdu la vie. Toutes ces années passées portent déjà le poids de toutes ces morts inutiles, et elles pèsent si lourd que les suivantes n’ont pas besoin d’en connaitre de nouvelles! Alors je ne te le dirait qu’une seule fois : cesse de nous tuer!
    La lueur de ses pupilles noires se fit moqueuse.
    - Ou alors quoi?
    - Comment cela?
    Elizia n’avait pas eu l’intention de se montrer aussi autoritaire, mais les mots étaient sortis tous seuls.
    Il ne s’attendait évidemment pas à ce que la vision morale de sa menace ait un impact quelconque sur son vis-à-vis, ou qu’elle fasse naître en lui un hypothétique désir de faire le bien, mais il n’aimait pas ce qu’il voyait. Belzébuth braquait son regard sur lui comme s’il l’examinait au microscope et arborait un sourire moqueur. Visiblement, la situation semblait l’amuser.
    - Et bien, tu me fait la leçon et me donne des ordres comme si tu avais un pouvoir sur moi, ce que toi et moi savons être impossible. Alors je te demande ce que tu comptes faire si je n’obéis pas.
    Elie serra les dents de colère, mais ne répondit rien. Le démon n’avait pas tout à fait raison quant à sa prétendue absence de pouvoir. Grâce au bébé, il n’était pas qu’un simple humain face au futur roi des enfers, et en cas d’attaque, le champ de force serait là pour le protéger. Mais à quoi bon y penser? Il n’était pas assez fou pour mettre une vie fragile en danger afin de satisfaire ses désirs de vengeance! Alors valait mieux pour lui qu’il détourne le regard et qu’il garde le silence.
    Sa réaction fit ricaner le Prince.
    - Ouais. Tu ne dis rien. C’est bien ce que je pensais. Dorénavant, n’essaies plus de regarder de haut les personnes qui sont plus grandes que toi. Maintenant si nous passions à un sujet plus important? Du genre, je ne sais pas moi, la chute de l’incube par exemple?
    Le ton était sarcastique au possible, et le jeune baron se serait fait un plaisir de le lui faire ravaler si Tessa ne lui avait pas jeté un regard d’avertissement.
    - Belzébuth, tu n’es pas raisonnable. Ce que te demande Elizia n’est pas irréalisable et tu sais parfaitement qu’il a raison. Tu dois cesser de te nourrir d’êtres humains. Ou alors c’est que tu ne vaux pas mieux que le Maître, et qu’il ne t’as pas mal jugé en te traitant d’estomac sur pattes!
    La manœuvre était audacieuse, Elie devait le reconnaitre. La hardiesse et l’honnêteté de Tessa étaient des qualités qu’il avait toujours admirées chez elle. Il reconnaissait qu’elles faisaient des merveilles quand il s’agissait de régler les problèmes qui surgissaient lorsqu’ils étaient entre eux, mais il doutait qu’elles aient un quelconque effet bénéfique sur le Prince.
    - Tessalymaria Dael’Bassem. Voilà longtemps que je ne me suis pas entretenu avec toi.
    La mâchoire presque pendante de stupéfaction, Elizia se força a déglutir.
    Tout cela était trop étrange. Comment faisait-elle?
    Evidemment, Belzébuth et elle devaient se connaitre depuis des années, comme pour Adonis. Mais tout de même! Voir un démon tel que lui employer une voix aussi douce était surprenant. Hallucinant même. Et le nom qu‘il avait employé pour Tessa, jamais encore il ne l’avait entendu. Deal’Albassem pouvait aussi bien être un titre qu‘un simple nom de famille. Mais dans ce cas, pourquoi ne l’avait-elle pas mentionné la première fois qu’ils s’étaient rencontrés? Était-il alors secret à cette époque? En avait-elle honte? Ou avait-elle fait tout simplement preuve de modestie?
    Les questions se bousculaient dans son esprit.
    - Tu n’as pas changé ma chère. Ton esprit est toujours aussi vif, et ta langue aussi acérée. C’est assez plaisant à voir en fin de compte. Cela me rappelle de vieux souvenirs.
    Ravie, Tessa eut un sourire plein de crocs.
    - N’est-ce pas? Alors si tu te souviens si bien de moi, j’ose espérer que tu n’as pas oublié de quelle manière j’aime me servir de mes griffes. Maintenant puis-je savoir si nous avons un accord? Nous n’accepterons ton aide qu’avec l’assurance que ces vies seront préservées. Dans le cas contraire, tu repartiras sans rien, et nous continuerons à œuvrer seuls au risque d’échouer et d’empêcher ta vengeance dans la foulée, or je sais que ce n’est pas ce que tu désires. Donc, je te le demande une dernière fois, vas-tu, oui ou non, laisser ces enfants tranquilles?
    Belzébuth ne répondit pas tout de suite, mais il ne laissa pas le silence s’éterniser. Au bout de quelques minutes, il inclina la tête, dans un signe ironique de soumission fausse.
    - Mais naturellement, cela m’est demandé si gentiment. Puisque vous insistez tellement, je pense pouvoir faire un effort symbolique et épargner les quelques humains qui restent. Il y a assez de démons mineurs dans les Enfers pour que je puisse trouver de quoi me nourrir durant un petit moment, alors j’imagine que cela consolide notre accord.
    - Oui, cela consolide notre accord.
    Soupirant à la fois de soulagement et de bonheur devant cette excellente nouvelle, Elizia eu d’un vertige. Comme il se sentait léger maintenant que le poids de l’inquiétude venait de lui être retiré! Plus rien ne menaçait les vies d’Olivia, de Célestina ou des autres élèves pour le moment, et cette idée lui donnait l‘impression de flotter sur un nuage.
    Indifférent à toute cette joie, Adonis étouffa un bâillement.
    - Dites, est-ce qu’on pourrait revenir à ce pourquoi monsieur nous a fait venir ici?
    Le concerné lui lança un regard torve.
    - Quoi, t’es pressé?
    - Franchement Von Waldorf? Je ne sais pas, et je ne veux pas savoir, comment tu occupes tes soirées, mais personnellement, je n’ai pas que ça à faire de rester assis là à t’écouter parler de personnes insignifiantes à notre cause et à te regarder sourire comme un idiot! Alors oui, je suis pressé d’en finir avec toi, pour enfin aller me coucher!
    S’obligeant à respirer plusieurs fois, Elizia l’affronta du regard.
    - Seigneur, regardez-moi cet égoïste! Je suis prêt à parier que tu t’es trompé lorsque tu as dit « notre » cause, parce que j’ai plutôt l’impression que tu pensais « ma ». Par ailleurs, je t’interdis de qualifier ces élèves d’insignifiants. Tous, autant qu’ils sont, ont de l’importance, et tu n’es personne pour juger du contraire! Et quoi qu’il en soit Adonis, fais bien entrer dans ton petit crâne de piaf que personne, et je dis bien personne, n’ira se coucher tant que ce pourquoi je vous ai demandé de venir ne sera pas réglé! Rongé par la rage, le Pantin grinça des dents.
    - Très bien! Mais dans ce cas, peux-tu m’expliquer pourquoi celui-là dors comme un loir pendant que nous poireautons en attendons ton bon vouloir?
    Baissant le regard sur le beau blond qui sommeillait sur ses genoux, Elizia eu un coup au cœur et murmura:
    - Lui c’est différent.
    Il n’en fallut pas plus à Adonis pour le faire exploser.
    - Ha! Lui c’est différent! Evidemment! Tout est toujours différent dès qu’on touche à cette catin!
    Le sang d’Elizia ne fit qu’un tour.
    - Retire immédiatement ce que tu viens de dire.
    - Jamais!
    Littéralement ivre de rage, Adonis montra les dents d’un air féroce, et Belzébuth l’applaudit des deux mains, appréciant grandement ce spectacle de discorde.
    - Je vous hais, toi et cette parodie d’ange blond! Je vous hais tellement que j’en ai la nausée! Vous me donnez envie de vomir! Et je ne trouverais la paix que lorsque je vous aurais tués!
    Les nerfs d’Elizia menaçaient de céder à tout moment, et l’envie le démangeait de se jeter sur cette pâle copie d’être humain pour l’étrangler et la réduire en charpie. Mais le poids de Florent sur ses jambes le clouait au sol, et ce fut surement la seule chose qui l’empêcha de mettre ses plans à exécution.
    - Espère de sale petit enfoiré! Si tu savais comme tu me fais pitié! Tu n’es qu’une lamentable petite chose sans matière et sans avenir! Il y a quelques heures, j’avais de la compassion pour toi, et j’ai même essayé de te comprendre. Mais en réalité tu ne mérites pas qu‘on se donne autant de mal, non. Toi, tu ne mérites rien! Et surtout pas l’attention et l’affection de quelqu‘un!
    - Bien, maintenant cela suffit.
    Tombant comme un couperet au milieu de l’échange, l’ordre de Tessa pétrifia chacun des deux hommes. Ses yeux rubis étincelèrent d‘une violente lueur rubis. Elle était hors d’elle.
    - Vous vous battez tous les deux comme de vulgaires chiffonniers, au lieu de vous unir dans la difficulté. C’est une honte. Il ne nous reste que quelques semaines pour trouver le véritable nom du Maître et l’empêcher de nuire, mais tout ce que vous trouvez de mieux à faire, c’est de vous lancer ces horreurs à la figure? Adonis tu me déçois énormément. Je croyais que nous avions mis les choses au clair toi et moi, mais aujourd’hui je me rends compte que c’est loin d’être le cas, tu en es toujours au même point. Et toi Elizia tu prétends être un homme responsable mais tu es tout le contraire. Tu portes la vie dans ton ventre et tu détiens le moyen de nous sauver tous, mais tes réactions sont encore celles d’un enfant. Tous les deux, vous ne valez pas d’avantage l’un que l’autre.
    Tout en parlant, Tessa faisait aller et venir son regard d’Elie à Adonis, leur faisant la leçon comme l’aurait fait une mère à ses fils désobéissants. Le jeune baron, qui n’avait fait que défendre l’honneur de son homme, aurait très bien pu protester contre le fait de se faire clouer au pilori aux côtés de celui qui avait débuté les hostilités, mais il ne prononça pas le moindre mot. C’était une situation difficile à avaler, mais il n’avait pas envie de relancer une dispute.
    - Maintenant revenons à notre sujet principal. Elie, tu as réclamé notre aide pour cette traque au nom, alors je pose la question. Qui a des suggestions à faire ou une idée à soumettre?
    Bien évidemment, Belzébuth fut le premier à se manifester.
    - Comme il me semble vous l’avoir dit plusieurs fois depuis que je suis arrivé ici, je crois savoir comment Elizia pourrait faire cracher le morceau à Idalgo.
    Adonis eut un petit rire de dérision. Mais le Prince l’ignora.
    - J’ai bien écouté votre conversation tout à l’heure lorsqu’il se plaignait de ne plus savoir quoi faire, et en réfléchissant bien, j’ai fini par trouver un idée intéressante. Elie, la prochaine fois que tu iras le voir, tu devras lui faire croire que tu veux créer un prénom pour l’enfant, à partir de vos deux prénoms en gage d’appartenance. Bien sûr, c’est un peu gros, et tu devras y mettre les formes. Mais je suis certain que cela marchera. Il n’y a rien de plus vaniteux qu’un démon, et si en plus ce démon est un incube sur le point d’être père, alors un rien suffit pour que sa fierté explose. C’est une technique qui a déjà fait ses preuves, alors tu ne perds rien à essayer.
    - J’en prends note.
    Elizia trouvait l’idée excellente, mais il était étonné de ne pas y avoir pensé plus tôt. Lui qui caressait son ventre à longueur de journée, aurait dû trouver évident le fait de chercher un prénom pour son enfant. Cela aurait même dû être la première chose qui lui serait venue à l’esprit! Mais non.
    Comme c’était étrange…
    Toujours assis en tailleurs sur le sol de la Chambre, le Prince murmura d’une voix suave.
    - Alors, je n’ai même pas le droit à un merci? Et moi qui croyais que les humains étaient polis.
    Méfiant, Elie lui jeta un regard en coin.
    - En général, oui nous le sommes. Mais dans le cas qui nous concerne, je ne préfère pas trop m’avancer. J’ai déjà vécu pas mal de déceptions tactiques, et j‘essaie d‘en éviter de nouvelles. Alors si ton idée fonctionne, je viendrais te remercier.
    Le Prince eut un sourire de chat.
    - Cet arrangement me convient. Je suis impatient de voir ce que ça va donner. Enfin, si tu réussi.
    - Oui, moi aussi.
    - Et bien tout cela est parfait.
    S’étirant voluptueusement en ronronnant, la Songeuse se leva d’un bond et lustra son pelage de quelques coup de langue. Son regard grenat était chargé de fatigue, et ses paupières tombaient.
    - Maintenant que cette affaire est réglée et que plus personne n’a de propositions, je propose que nous retournions dans nos appartements. Florent s’est endormi depuis un long moment, et nous devrions déjà tous faire de même. Adonis, viens avec moi. Belzébuth, Elie, passez une bonne nuit.
    Les deux hommes lui répondirent en cœur.
    - Bonne nuit Tessa.

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  • Commentaires

    1
    Elodie57
    Mardi 7 Avril 2015 à 21:00

    Hello, ça fait un bout de temps que je n'étais pas venue, et je vois qu'il y a (bcp) de nouveauté. J'ai lu, que dis-je, j'ai dévoré les derniers chapitres de TMA, et j'ai aimé... Bon ok, c'est vrai je n'ai pas aimé, sans vouloir te faire de la peine, j'ai adoré!
    Je ne sais pas d'où viennent tes idées mais peu importe, il faut absolument que la source ne se tarisse pas!
    J'ai vraiment adoré la partie où Belzé attaque Idalgo, on croit que l'incube a été durement touché mais pas du tout, ce qui fait quand même flipper pour la suite.
    Et dans ce chapitre, Elie m'a fait délirer, non mais sincèrement, s'attaquer à un puissant démon qui à (soi-disant) fait plier l'incube, il a vraiment cru qu'il avait la moindre chance?! Non, parce que je me suis vraiment inquiété pour sa santé mentale.
    Par contre, ça ne s'est toujours pas arrangé entre Elizia et Adonis (j'aime vraiment ce nom, je ne sais pas si je te l'avais déjà dis, même si c'est un nom très présomptueux, comme le pantin), de vrais enfants!
    Bon, je dois y aller, pas le temps de lire la partie 2. Je le ferais plus tard.
    Kiss u

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