• Lui

    Lui, c’est un garçon. Il est beau, il est jeune, il a mon âge. Il a en lui tout ce que je veux et je l’aime. Il a ce que je possède. Il veux tout ce que j’ai. Il me donne rien. Mais ça ne me dérange pas, puisque je l’aime.

    Lorsqu’il me regarde, j’ai la chair de poule, et lorsqu’il ne le fait pas, j’ai les genoux qui tremblent.  Penser à lui me fais l’effet d’un coup de tonnerre dans le cœur, et ça pétille et brûle tellement au fond de moi dans ces moments-là que j’ai envie de le crier à la face du monde. Même le ciel ne peut changer les choses. Je suis pourtant sûr qu’il le désire très fort, mais mon amour est plus fort encore. Parce que c’est lui, parce que c’est absolu, parce que c’est transcendant, et que je suis transporté loin, loin. Comme une feuille de papier emportée par le vent. Parce que c’est immuable, et parce que c’est éternel, en moi, ce vent est toujours tumultueux. Il n’a jamais de répit, il ne décolère jamais. Pour moi, c’est toujours la tempête dans le ventre et l’accalmie dans la tête. Je vois des petits points scintillants comme des paillettes de soleil, et cela me fait rire, rire, rire!
    Tout cela parce que c’est lui, parce qu’il est beau et parce qu’il est jeune, qu’il a mon âge et qu’on sort ensemble depuis trois ans. Il m’a trompé. Oh, si peu. Mais je lui pardonne parce qu’il sait que je l’aime. Son visage est toujours si beau à la lumière du soir. J’en aurais crié de plaisir rien que de le voir. Le contempler me donne envie de mourir à chaque minute qui passe, et si je me pâme, c’est pour ses yeux. En eux, il y a l’éclair, il y a un cyclone, il y a la rage de vaincre. Oui, il y a cette colère de l’âme qui me fait toujours frémir de peur et de désir, oui il y a cette rancœur douce-amère des jours pluvieux. Mais tout cela n’a pas d’importance, puisque je l’aime.
    Dans mes yeux à moi, oui, dans mon cœur, la fenêtre de mon âme, il y a ce miel si doux et si chaud qui réconforte et guérit les blessures des jours d’hiver, il y a cette douceur  recherchée par le monde et qu’il consomme toujours avec cette modération pondérée. En moi il y a toujours cette envolée qui me pousse à donner, sans jamais prendre. Alors qu’en lui sonne à jamais le glas de la retenue, de la bienséance, de cette putain de convenance, moi je donne, je donne, je donne. Jusqu’à plus soif.
    En moi, il y a toujours du cœur à donner, de l’amour, de la joie, du sang rouge et bien riche en fer. Pour lui, je les donnerais encore, encore et encore si je pouvais. Mais je ne le peux plus. Il ne le veux plus.
    Hier, ce garçon ma largué dans la rue. Sous la pluie. Sans parapluie. Devant notre resto préféré. J’étais trempé. Il avait trouvé une fille sympa, et il préférait être avec elle plutôt qu’avec moi. Bien entendu il fut cruel, mais cela ne m’a pas dérangé. J’ai déjà vécu pire que cela, alors à quoi bon lutter puisqu’il me quitte?
    Lui, c’est un garçon, c’est un homme. Il est beau, il est jeune, il n’a plus mon âge. Il a toujours en lui tout ce que je veux et je l’aime encore, encore. Il a ce que je possède. Il ne veut plus ce que j’ai, mais après tout c’est pas grave, puisque je l’aime.
    Oui aujourd’hui encore je sais que je l’aime encore. Il hante mes pensées, il caresse mes nuits. Il corromps mes journées et travestit ma vie. Il la transforme lentement en mascarade infernale, et mon esprit devient de fou, fou, fou. Au fond de moi, j’ai sa présence. J’ai son aura. J’ai ce qui fait de lui ce qu’il est, et je sais aussi ce qu’il est devenu. Sans le moindre effort, je peux l’imaginer là, assis, à côté de moi, si fier et si beau. Je peux le sentir, le toucher, l’agresser, l’embrasser, et cela parce qu’il m’emplit encore de sa force, de sa voix, de ses muscles, de son corps. J’ai beau marcher pour tenter de la vider, ma tête est pleine de son souvenir, de son odeur. Une eau de toilette, un poil pubien, des baisers mouillés et des disputes aigres. Des années ont passé, mon désir de lui est intact. Le nez dans l’oreiller je sens encore l’odeur de sa sueur, de son parfum, de ses cheveux. J’ai encore son caleçon. J’ai encore son shampooing. J’ai encore sa tasse. J’ai encore tant de choses.
    De nos années ensembles, il ne m’a laissé que l’inutile. Préférant fuir avec l’essentiel et ne pas s‘encombrer des détails. L’histoire est drôle. Mon essentiel embarquant l’essentiel. Me laissant derrière avec moi-même, avec ma conscience, avec mon éveil. Ma solitude, et mon silence.
    Alors que suis-je sinon une enveloppe vide? Une enveloppe vide pourtant pleine de son néant? Une pauvre chose dénudée, enfouie, souillée, abandonnée, laissée pour compte? Oui, je suis tout cela et rien à la fois. J’ai envie de mourir et pourtant je ne me tue pas. J’ai envie de crier mais je ne le fais pas. J’ai envie de le tuer lui, mais je ne peux pas. Celui, que j’aime c’est lui, c’est un garçon. Il n’est plus si beau, ni si jeune, et il n’a plus du tout mon âge. Il avait en lui tout ce que je voulais et je l’ai perdu. Il avait tout ce que je désire encore et que j’ai perdu. Il l’a demandée en mariage cette année, et me voilà définitivement seul. En cela, je l’ai définitivement perdu.

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  • Commentaires

    1
    Moon light ^^
    Mardi 10 Décembre 2013 à 00:34

    incroyable ma belle, c'est magnifique. On a l'impression de ressentir tout ce dont parle ton personnage !

    2
    Inko
    Mardi 10 Décembre 2013 à 00:35

    ouah... Comme l'a écrit Moon light les émotions sont vraiment là. Ça papillonne dans le ventre quand on le lit.

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