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    Aujourd'hui, mon voisin sonne à ma porte : « Bonsoir, je sais que vous n’avez rien de prévu pour Noël, alors je voulais vous proposer de faire le père Noël pour mes neveux le soir du 24 décembre. Et puis comme ça, vous pourrez vous aussi le fêter ! » VDM.

    Ouais. Bon.
    Je vous vois déjà rire et vous foutre de moi derrière votre écran, mais sachez que cette VDM est tout… sauf fausse. Cette phrase - qui fait très « détresse amitié, bonjour » ou encore «si t’as pas d’ami, prend un Curly» - est malheureusement l‘exacte vérité de ce qui m’est arrivé la veille de Noël. Mais avant de vous expliquer ce qui est arrivé après, il faut revenir en arrière, pour comprendre pourquoi, et surtout comment je suis arrivé à me voir offrir pareille proposition.
    Il y a quelques jours de cela donc, j’étais assis sur les marches à l’entrée de mon immeuble, enchaînant clopes sur clopes tout discutant avec mon pote Sydney du voisin absolument bandant qui venait tout juste d’emménager dans l’appartement faisant face au mien. Parce qu’il faut bien l’avouer, mon voisin est magnifique (à le dire comme ça, je me rends compte que ça fait sûrement groupie, mais il n’y a que comme ça que j’arrive à traduire mes sentiments à son égard. Et de toute façon, ça change pas grand-chose à ce que je ressens ou à ce qui s‘est passé).
    Ce soir là - comme tous les autres soirs depuis qu’il avait élu domicile dans le même immeuble que moi, pire, au même étage! - je parlais de lui sans me rendre compte que je le faisais à tors et à travers, provoquant l‘exaspération de Sid…
    - J’en ai marre de t’entendre parler de ton mystérieux voisin du 3B en permanence! C’est pas juste de me faire miroiter ses charmes sans jamais créer d’occasion pour que je puisse le voir!
    …et mon amusement quotidien. Car depuis le récent emménagement dans cet immeuble de mon Apollon de voisin et ma rencontre avec… cet Apollon de voisin, j’avais entrepris de baptiser cette merveille de la nature par l’éminent surnom du « voisin du 3B ». D’abord parce que cela donnait plus de cachet à nos discussions et ensuite parce que même si je connaissais son nom - Boileau -, je préférais encore le garder pour moi, donnant ainsi à mes fantasmes un réalisme… décoiffant.
    - Ce n’est pas ma faute, avais-je dit en rejetant une longue trainée de fumée. Tu ne viens jamais au bon moment, alors comment veux-tu que je te le montre si tu ne rappliques pas lorsqu’il part bosser?
    Vexé, Sid m’avait lancé un regard en coin et m’avait rétorqué d’un ton acide :
    - Oh! Parce que je suis toujours libre peut-être? Parce que c’est vrai que je ne bosse pas non plus, que je n’ai pas de vie privée ou que je suis toujours disponible! Non, franchement Max, tu m’énerves! Je pense que je ne le verrais jamais, et que je n’en aurais jamais l’occasion, alors maintenant j’aimerais qu’on arrête d’en parler.
    (Oups! Oui c’est vrai que j’ai oublié de me présenter! Enchanté - qui que vous soyez -, je m’appelle Maxime, mais comme vous l’aurez deviné, tout le monde m’appelle Max.)
    - Excusez-moi, nous voudrions passer.
    - Oh! Oui, déso….
    (J’ai honte de l’avouer, mais j’ai bien cru que j’allais m’étouffer avec ma fumée à ce moment-là! Comment vous dire? J’ai juste eu une très urgente envie de disparaitre sous terre et de m‘y terrer jusqu‘à la fin de ma misérable existence!)
    M’étouffant avec la plus grande des discrétions, je ne m’étais rendu compte que nous ne l’avions pas entendu ni vu arriver vers nous pour entrer dans l’immeuble…et qu’étant assis en plein milieu des escaliers, nous bouchions le passage! Mes excuses s’étaient alors étouffées elles aussi dans ma gorge, participant à mon asphyxie, et la couleur de mon visage avait violemment viré au joli rouge pivoine, renforçant mon sentiment de ridicule profond.
    Mon voisin du 3B, resplendissant de virilité et de sensualité dans son habituelle combinaison de motard en cuir noir m’avait fait face, une expression d’attente polie sur le visage mais l’impatience au fond de ses grands yeux noisette  (et croyez-le ou pas, mais l‘expression qui s‘étalait sur mon visage à ce moment-là était de l‘adoration pure, et je ne parle même pas de celle de Sid, pour qui le choc était compréhensible : c’était la première qu’il le voyait et il n’avait pas encore eut le temps d’apprendre à se retenir de baver… dans le sens propre du terme, hum…).
    Confus au possible, j’avais bégayé et m’étais pris les pieds dans mes lacets dans ma précipitation pour me lever et libérer le passage (Dieu que j’étais doué!).
    Passant devant moi après m’avoir adressé un petit sourire en coin, il avait pénétré dans le hall en tirant par la main un homme d’environ le même âge que moi - c’est-à-dire tapant dans les 24 ans - à sa suite.
    Bien évidemment, cher(es) lecteur(s)(trices),voir que mon fantasme sur patte allait en tringler un autre que moi tout au long d’une nuit torride et inoubliable, m’avait littéralement fait enrager!
    Lorgnant alors le couple du coin de l’œil jusqu’à ce que les portes de l’ascenseur se soient refermées, Sid avait attendu que ledit couple ait disparut de notre champ pour murmurer, les yeux pétillant de la même lueur gourmande et envieuse que la mienne à cet instant :
    - Et bah ça alors…. Maintenant je comprends mieux pourquoi tu fais une fixette sur lui mec, ton voisin est un canon!
     
    Comme vous l’aurez compris, je venais de me faire remarquer de manière tout à fait spectaculaire. Mais si vous croyez qu’à ce stade, je suis arrivé au bout de mes peines, laissez-moi vous dire que vous vous trompez lourdement. Car il reste encore une étape à passer, et celle-ci je l’ai relevée haut la main! D’ailleurs, et pour ne rien gâcher, elle s’est déroulée quelques jours suivant cette rencontre fortuite avec mon somptueux - mais si pédant - voisin du 3B devant les escaliers, et je me suis ridiculisé de nouveau… et avec art!
     
    Ce jour-là - un jeudi je crois bien -, j’avais décidé de manger des nouilles chinoises (passionnant vous me direz, mais si, si, ça a son importance!). Dévorant mon bol avec appétit, j’avais atteint la moitié de mon repas lorsque mon téléphone avait sonné. C’était mon patron.
    Sauf qu’à ce moment-là, je ne voyais pas pourquoi il aurait voulu m‘appeler. Il était pas loin de 20 heures, or je n’allais commencer à bosser que sur les coups de 21 heures.
    Sans savoir que j’allais amèrement regretter mon geste par la suite - c’est-à-dire maintenant -, j’avais décroché et répondu un aimable…
    - Allô?
    …à la voix bourrue de mon adorable supérieur hiérarchique.
    - Maxime? Ramène-toi tout de suite. Flo est malade et il n’y a que toi de disponible sur le planning.
    - Mais patron! Je dînais là! Je peux pas tout plaquer comme ça pour le boulot si?
    J’avais entendu un grognement inaudible à l’autre bout du fil, et me fiant à mon sens hors-norme de la déduction, j’en avais conclu que si, j’allais devoir abandonner mes délicieuses nouilles chinoises pour partir bosser plus tôt. Soupirant, j’avais répondu, un brin énervé:
    - Ok, ok! J’arrive tout de suite!
    - Attend! Hem, Max, tu mangeais quoi au fait?
    Perplexe, je lui avais répondu d’un ton hésitant, m’attendant à tout sauf à la réponse qu’il m’avait sortie:
    - Des nouilles chinoises? Bon plan j’avoue. Alors passe chez le Chinois en chemin, je te rembourserai.
    (Ah! Vous voyez? Je vous avais dit que les nouilles avaient leur importance!)
    - Quoi? Mais chef, vous êtes…
    Puis sans attendre que j’aie fini, ce con m’avait raccroché au nez, me laissant finir ma phrase dans le vide.
    - … proprio d’un restaurant.
    Mais alors que j’enfilais manteau et chaussures, un nouvel appel avait fait vibrer mon portable, et une fois de plus, j’avais décroché mais cette fois, sans regarder qui m’appelait.
    Grossière erreur.
    - Bonsoir beau gosse. Ca fait un bail qu’on ne s’est plus parlé, on dirait que tu m’évites. J’espère que je me trompe…
    Oh non…non, non, non!!!!
    Je me souviens très clairement m’être demandé pourquoi, de toutes les personnes - c’est-à-dire pas des masses - qui avaient mon numéros, c’était Jordan qui avait décidé de m’appeler.
    Lui et moi, c’était fini depuis plus de deux ans, mais cette sangsue refusait catégoriquement de me lâcher la grappe, et comme à chaque conversation que nous avions au téléphone, j’avais vu rouge.
    Notre discussion - qui s’est révélée être tellement dénuée d’intérêt que je vous en passe les détails - avait été houleuse et peu diplomatique pour la simple raison que je n’avais cessé de hurler sur Jordan.
    Mais c’était en arrivant dans le parking, puis en parvenant jusqu’à l’endroit où était garée ma voiture que j’avais littéralement explosé :
    - MAINTENANT TU VAS ME FOUTRE LA PAIX JORDAN! JE T’AI DÉJÀ REPETE CENT FOIS QUE TU NE M’INTERESSAIS PLUS! ALORS, TU VAS SUPPRIMER MON NUMERO, JE VAIS SUPPRIMER LE TIENS, ET COMME CA TOUT LE MONDE SERA CONTENT! QUOI? T’ES SEUL POUR NOËL? ET ALORS? MOI AUSSI, ET POURTANT JE NE SUIS PAS MORT!
    Puis balançant mon portable dans les fourrés, je m’étais juré de ne plus jamais me faire manipuler, harceler, menacer ou même - même! - émouvoir par un mec quel qu’il soit…. Jusqu’à ce que je me retourne, et voie mon mystérieux voisin du 3B. Assis sur sa moto garée à cinq mètres de ma voiture, ses larges épaules secouées d’un rire silencieux qui m’avait fait rougir d’une honte telle, qu’aller bosser était soudainement devenu une priorité.
     
    Maintenant, vous savez tout ce qui s’est passé avant! Voyez à présent, grâce à mon récit, jusqu’où m’a conduit ma malchance? Et dire que c’est à cause d’un ex très pot-de-colle que mon voisin à su que je n’avais rien de prévu pour Noël, c’est d’un pathétique! N’éprouvez-vous pas un peu de pitié à mon égard?
    Non?! Comment cela non? Tss, bien sûr, suis-je bête! Vous êtes bien trop occupé(es) à rire!
    Mais qu’à cela ne tienne! Puisque vous et moi sommes au même point de l’histoire, je vais continuer de la raconter, mais cette fois au présent. Car aujourd’hui nous sommes le 24 décembre, veille de Noël, du jour où mon voisin est venu sonner à ma porte avec sa proposition particulière, et jour - ou plutôt soir - de mon châtiment!
    Ah? Parce que je ne vous l’ai pas dit? J’ai été tellement surpris de retrouver mon fascinant voisin - tiens, je me mets à parler à la mode Twilight maintenant ? - tout sourire et de charme vêtu devant ma porte que je n’ai pas eu la présence d’esprit de refuser ni de considérer avec un minimum de raison la manière dont il m‘a fait cette proposition. Parce que quand même, pour balancer ça….
    - Bonsoir, je sais que vous n’avez rien de prévu pour Noël, alors je voulais vous proposer de faire le père Noël pour mes neveux le soir du 24 décembre. Et puis comme ça, vous pourrez vous aussi le fêter.
    …avec un super-sourire-de-la-mort-qui-tue, il faut être sacrément dénué de toute compassion!
    Ou alors doté d’un tel trop plein de compassion que ça finit par vexer.
    Je sais bien que j’aurais dû lui rétorquer des vannes du genre : « Ah tiens, justement ça tombe bien que vous passiez, j'ai moi aussi besoin de vous. Il me faut un âne pour la Saint-Nicolas », ou une style : « Ta gueule Flanders » ou encore une de ce genre-là : « Vous savez, je pense qu'avec votre tour de taille, et sans vous vexer, vous feriez très bien Papa Noël. Vos neveux n'y verront que du feu et force vous sera de constater que leur oncle l'enflure ne leur manquera pas le moins du monde. Sur ce Joyeux Noël!!!». Sauf que bien sûr, cette dernière répartie n’aurait pas très bien collé au personnage étant donné sa minceur de mannequin…
    A moins que décliner son invitation en prétextant que d'habitude j’endosse plutôt le costume du Père Fouettard ait été une meilleure réponse? Peut-être alors m’aurait-il fichu la paix?
    Dans tous les cas - et c’est bien dommage pour moi -, je ne sais plus trop ce que j’ai dit, même si je me souviens d’avoir plongé mon regard bovin dans l’or pur de ses yeux noisette avant de baragouiner un semblant de réponse. Je me souviens également de l’avoir entendu rire à l’un de mes propos, mais impossible de savoir exactement ce qui l’a fait rire!
    Baragouinant dans ma barbe, tout en enfilant le volumineux - et tout aussi odieux - costume qu’il a loué pour l’occasion, je me gifle mentalement. D’abord parce que grâce à mon absence totale de réaction et de mon manque flagrant de réflexion, je me suis fais avoir de la plus idiote des façons! Sans parler du fait que maintenant, ce type super trop canon pour être vrai, en plus de me prendre pour un loser fini pas le moins du monde doté d’une once de jugeote, va me prendre pour un loser fini totalement con. Ce qui à la réflexion, revient presque - voire totalement - à la même chose…
    Actuellement engoncé dans un lourd costume de Père Noël, je me prends à espérer que les bambins ne seront pas trop bagarreurs, et qu’ils ne passeront pas leur temps à tirer sur ma fausse barbe ni à vouloir me piquer chapeau et lunettes.
    Selon les plans de mon voisin - qui jusqu’ici n’a pas daigné m’indiquer son prénom, comme c’est aimable à lui! -, il faut que j’attende qu’il me bipe - oui nous avons échangé nos numéros pour que ce soit plus pratique, et d’ailleurs je compte bien l’utiliser pour mon usage personnel! - pour me donner le signal afin que je fasse une entrée fracassante chez lui à minuit pile.
    Evidemment, n’ayant jamais pénétré chez lui - et ceci dans tous les sens du terme, pardonnez m’en l’expression - je m’attends à être quelque peu déboussolé. Mais comme tous les appartements ici sont pratiquement tous faits sur le même modèle, je suis pratiquement sûr de parvenir à me repérer.
    Mais ça, c’est ce que je crois avant de voir la tenue absolument bandante de Mister 3B - coupe de cheveux donnant dans le style coiffé/décoiffé, yeux brillants, corps superbement bien foutu doté d’un torse large et musclé, de hanches, de fesses, de cuisses et de jambes parfaitement sculptées; le tout moulé dans une irrésistible chemise blanche déboutonnée à la poitrine et cintrée aux hanches, et un pantalon de toile noire d’excellente qualité et porté de manière très ajustée - qui fait immédiatement bouillir mon sang dans mes veines…. et le nombre d’enfants en train de sautiller et de pépier joyeusement dans l’appartement. Là en revanche, mon sang se glace.
    Ce type a une famille très, très nombreuse.
    Ce qu'il a manifestement oublié de me préciser lorsqu’il a parlé de distraire ses neveux et nièces! A mon corps défendant, je me surprends à maudire ce voisin aux desseins démoniaques, et alors que j’évalue le nombre de personnes présentes dans la pièce, je me fige dans une immobilité de statue.
    Si je compte bien - et je prie pour que ce ne soit pas le cas -, il y a cinq couples évoluant avec insouciance dans le salon - au demeurant très bien décoré, au moins, a-t-il du goût à défaut d’être un véritable salopard! -, et a raison de deux ou trois - voire quatre, détail non négligeable - enfants par couple, mon travail revient à occuper environ… Hum, une vingtaine de lardons?
    Ce qui est tout à fait hors de question!
    Inconscients de ma panique intérieure - qui n’est plus si interne que ça à bien y penser - tout le monde se tourne tout d’un coup vers moi, les yeux brillant d‘une joie immense pour les parents, et les mains minuscules se tendant vers moi avec convoitise pour les enfants. Rapidement submergé par leurs cris d’excitation et leurs corps agités, j’ai à peine le temps de tourner mon regard vers lui, et d’entrevoir une furtive lueur de culpabilité dans ses yeux ambrés avant qu’il ne quitte la pièce au pas de course.
    Il l’a fait exprès.
    Ce… Ce connard - désolé, mais je n’ai pas de qualificatif plus approprié en tête ! - m’a volontairement laissé dans l’ignorance! Mais pourquoi d’ailleurs? Pour ne pas que je refuse son offre et qu’ainsi coincé je ne puisse me débiner? Probablement! Car de toute façon, qui aurait été assez fou pour l’accepter?
    Admirant la mer d’enfants qui s’étale devant moi, je me fais la réflexion que comme d’habitude, j’ai été assez con pour me faire avoir. Oh, j’aurais très bien pu bien revenir sur mes pas, rentrer chez moi et retirer ce costume ridicule qui me démange et me donne des rougeurs! Mais j’aime les enfants, et je ne me sens pas le cœur à briser leurs rêves, eux qui sont si jeunes. Ils auront bien le temps, plus tard, de découvrir par eux-mêmes que le monde est cruel, sans pitié et que mon personnage n’existe pas!
    Prenant alors une grande bouffée d’oxygène, je gonfle les poumons et pousse alors un très honorable «Ho! Ho! Ho!» qui aurait fait pâlir de jalousie le Père Noël lui-même, avant de m’asseoir sur la chaise la plus proche, de prendre chacun des enfants sur mes genoux et d’écouter leurs vœux de Noël avec une attention surjouée.
     
    Bien entendu, la soirée a été longue, et une fois de retour chez moi, le besoin de prendre une douche prime sur mon désir de m’allonger et de m’endormir. Car j’ai non seulement un besoin urgent de me débarrasser de la sueur qui me colle au corps depuis que j’ai endossé cet ignoble costume, mais également de me laver de ma propre stupidité - qui une fois de plus, vient de saper toutes mes chances de parvenir un jour à quelque chose avec ce mec du 3B -, et de ma colère contre ce mec qui a tout fait pour que je ne veuille plus de lui!
    Bien qu’épuisé et perclus de courbatures - tous ces gamins qui vous montent et vous sautent dessus à répétition… c’est si crevant! -, je suis plutôt fier de moi. J’ai joué mon rôle avec tout le professionnalisme dont je suis capable, et j’ai bien l’intention d’aller parler paiement avec ce traitre!
    Alors que je sors de la douche et que j’enroule une serviette de bain autours de mes hanches, la sonnette de ma porte retentit. Exaspéré, je retiens un gémissement de lassitude. Qui peut bien sonner chez les gens à minuit passé? Seigneur, faites qu’en cette nuit sainte, les Témoins de Jéhovah n‘aient pas eu l‘idée chiante de venir me convertir!
    Je me prépare déjà à affronter une offensive chrétienne ou catholique - peu importe ce qu’il en est au fait, car c’est embêtant pour les athées du moment que c’est religieux -, lorsque je réalise en ouvrant ma porte, que ce qui m’attends sur mon paillasson est bien pire que tout ce qui peut avoir trait, de près ou de loin, à la religion.
    Posant un regard hostile sur mon enfoiré - tiens j’en ai trouvé un autre de qualificatif approprié! - de voisin - qui d‘ailleurs porte encore sa tenue de fête -, je résiste à la tentation de lui claquer ma porte au nez, et préfère m’adosser au chambranle, les bras croisés sur mon torse offert.
    Mon ton, lorsque je m’adresse à lui, est agressif au possible.
    - Qu’est-ce que tu veux? Me remercier? Ce ne serait pas une mauvaise idée. Je crois même l’avoir mérité au centuple, vu le calvaire que je viens de vivre même si j’aime les enfants! A moins que tu ne veuilles me piéger encore une fois? Non, parce c’est pas que ça me dérange, mais il ne faudrait pas que ça devienne une habitude entre nous tu vois? Parce je joue toujours le rôle de l’abruti mais j’ai mes limites tout de même. Et puis d’ailleurs, voisin du 3B, je peux connaitre ton prénom?
    Esquissant un petit sourire - qui me fais fondre et enrager à la fois -, mon voisin s’adosse lui aussi au chambranle dans une posture carrément trop cool qui me fais presque saliver.
    - Je m’appelle Mathias. Toi tu es Maxime c’est ça? La concierge m’a beaucoup parlé de toi quand je me suis installé ici. Elle m’a dit que tu étais un garçon délicieux.
    Un voluptueux frisson me parcours des pieds à la tête lorsqu’il formule le mot «délicieux». Prononcé par lui, ce mot prend des accents dotés d’une sensualité inouïe, et je dois presque me pincer les bras pour m’éviter de lui sauter dessus.
    - Force m’est de constater qu’en effet, tu es quelqu’un d’on ne peut plus serviable, et qu’en cas de besoin ou d’extrême urgence, on peut compter sur toi. Je ne sais pas trop comment te remercier…
    Mes pensées perverses lui hurlent en cœur : « oh, mais nous, on sait très bien comment tu pourrais nous remercier… en tant qu’esclave sexuel! Mouhahaha!! ». Mais bien sûr, je ne dis rien.
    Levant ses yeux incroyables vers moi, sans doute à la recherche d’une approbation quelconque, il réalise en remarquant mes poings serrés et mes traits tendus par la colère, que je ne lui suis d‘aucun soutien. Et ma déduction est sans doute la bonne, car il enfonce soudainement ses mains au fond de ses poches d’un geste rageur avant de soupirer.
    - Ecoute, ce qui s’est produit ce soir, je ne l’ai pas voulu!
    Pas le moins du monde touché par sa déclaration, je hausse un sourcil.
    - Ah ouais?
    - Non!
    - Donc, tu vas me dire qu’après m’avoir aimablement demandé de distraire tes neveux, l’idée de m’indiquer qu’ils étaient une petite vingtaine ne t’a pas effleuré? Même pas l’espace d’une nano seconde? Comme tu me déçois!
    Mon air cynique et mon ton faussement désabusé lui arrachent une grimace.
    - Oui je sais, c’était idiot, et très méchant. Mais tu dois me croire Max, te mettre dans ce genre de situation n’était du tout volontaire!
    Tiens, je ne me souviens même pas de l’avoir autorisé à m’appeler par mon diminutif. C’est donc que monsieur prend des libertés avec tout ceux qu’il croise, même avec des inconnus, qu’ils soient sur le même palier que lui ou non!
    - En fait, continue-t-il d’un ton gêné, je n’avais invité que deux de mes sœurs ainsi que leurs enfants respectifs qui sont au nombre de trois. Je n’avais pas du tout prévu qu’elles amèneraient le reste de la famille avec elles!
    Etonné, je lui jette un regard perplexe.
    - Et tu n’aurais pas pu me prévenir par texto?
    - Pour que tu décommandes à la dernière minute? Certes, j’aurais pu le faire, mais je n’ai pas eu le courage de faire un coup pareil aux enfants. Toi-même tu les as vus! Tout cet enthousiasme, toute cette joie débordante… Ca m’aurait brisé le cœur de leur annoncer que finalement le Père Noël qu’ils attendaient avec tant d’impatience ne pourrait pas venir leur rendre visite. Et puis tu me blâme, mais toi non plus tu n’es pas parti alors que tu pouvais le faire. C’est donc qu’au fond de toi tu partages mon avis et comprends mon geste.
    Son regard posé sur moi depuis tout à l’heure est fixe, et paraît si suppliant qu’il me faut quelques minutes pour réaliser que je suis au bord de la syncope. Je détourne les yeux.
    Moi-même je comprends son point de vue, et je trouve plutôt vache que les sœurs ont fait à Mathias. Je compatis c’est sûr, mais j’ai du mal à digérer la façon dont ce coup bas a ricoché sur moi, car ça a été plutôt violent pour être honnête. Mais bon, peut-être dois-je laisser couler pour cette fois? Ce type fait preuve de bonne foi, et je n’ai rien a gagner en refusant de lui parler.
    Résigné, je penche la tête sur le côté, focalisant mon attention sur autre chose que ses yeux incroyables.
    - Tiens, je ne savais pas que tu étais un cœur tendre…Matt.
    Puisqu’on est dans les diminutifs, je ne vais pas me priver de faire de même!
    - Je te croyais plus, comment dire? Sauvage? Insaisissable?
    Il parait plutôt étonné de ma répartie - ce que je comprend tout à fait! -, mais bien vite, son air penaud se meut en une toute autre expression, plus féline et sensuelle, qui me fait frissonner de la tête aux pieds.
    - Oh, mais si ce n’est que cela, je peux le devenir. Mmmh, parce que les hommes sauvages et insaisissables, tu aimes ça n’est-ce pas?
    - En effet oui, et pour moi tu incarnes tout cela.
    Je sais que je ne manque pas de toupet, et pour être honnête, je me choque moi-même. Mais apparemment, Mathias apprécie la démarche car la température entre nous grimpe progressivement de plusieurs degrés, et j’ai soudainement très chaud malgré le fait que je ne porte qu’une malheureuse serviette de bain.
    Son sourire de fauve et sa voix rauque me prouvent alors que j’ai raison.
    - Je vois que je suis pardonné. Ce qui tombe plutôt bien en réalité, parce que tu m’intéresses. Oh, ne parais pas si étonné! J’ai bien vu de quelle façon tu me regardes chaque fois qu’on se croise. Et puis, depuis que j’ai entendu ta discussion avec ton ami de la dernière fois, je sais que tu fantasmes sur moi. Du coup, le désir de t’avoir dans mon lit ne me lâche plus….
    Amusé par la façon dont j’ai été deviné, je ne cherche pas à nier, flatté que je suis par ses paroles, et savoure les sensations que cet homme provoque en moi.
    La chair de poule qui ne quitte pas ma peau à cause du désir qui bout en moi, est mise à mal par les pupilles d’or en fusion de Mathias, qui parcourent chaque centimètre carré de ma peau d’un regard d’aigle, laissant derrière eux un sillon de feu qui fait pointer mes tétons et durcir mon bas-ventre. Et lorsque leur chaleur parvient jusqu’à mon abdomen en feu, et remontent pour se fixer au fond de mes yeux, je sens mes poumons se vider de tout l’air qu’ils contiennent, me laissant aussi essoufflé que si j’avais couru le marathon.
    Bon sang, je crève de désir pour cet homme, et je sens que si nous ne passons pas à l’acte dans les prochaines minutes, je vais me liquéfier sur place! Mais il faut d’abord régler un détail.
    Prenant une grande inspiration pour ne pas me mettre à bégayer connement, j’articule lentement :
    - Comme tu t’en doutes…
    Se décollant du chambranle où il était adossé quelques secondes auparavant, Mathias - mon beau gosse des beaux gosses! -, se redresse et s’avance lentement vers moi, tel un félin en pleine partie de traque.
    - Oui?
    A le voir s’approcher aussi rapidement de moi, il m’est d’avis qu’il faut que je fasse vite.
    - Et bien, j’ai pas mal ressassé contre toi après ce coup bas que tu viens de me faire, même si c’était involontaire.
    - Et?
    Je déglutis. Il est presque sur moi.
    - Et…Je voudrais que tu me fasses tes excuses…et une promesse aussi!
    A mon plus grand soulagement - mais aussi à mon plus grand dépit -, mon fauve en chasse s’immobilise et me regarde de son regard ambré.
    - Pour les excuses, il n’y a pas de problème. Mais pour la promesse…
    Affichant une décontraction que je suis - et avec raison - à mille lieux de ressentir, je balaie son objection d’un geste de la main.
    - Ne t’en fais pas, elle ne contient rien que tu ne puisses tenir, si je puis dire. Maintenant, fais-moi ces excuses!
    Je parais maître de moi-même, mais en réalité je bouillonne d’impatience. Je suis plus chaud qu’une bouche ayant contenu le piquant de tous les piments du monde réunis!
    D’ailleurs, lui aussi je sens qu’il ne va pas tarder à exploser, mais il lui aussi joue le jeu du mec qui sait se maitriser… Du moins, dans les limites du possible, qui au passage sont en train de s’effriter dangereusement.
    Ce que me prouvent sa voix rauque et ses yeux étincelants.
    - Je te présente mes excuses les plus sincères et les plus…profondes Maxime. J’espère que tu ne m’en tiendras pas rigueur, et qu’à l’avenir, nous pourrons entretenir des rapports plus… intimes?
    A la lueur mi-taquine, mi-sauvage que j’aperçois dans son regard, je sais qu’il me fais payer - au moyen de quelques mots particulièrement accentués et dont le double sens est criant étant donnée la situation - l’attente que je lui impose. Et le pire, c’est que ça fonctionne!
    Le cœur battant la chamade, je sens l’excitation de mon corps - que je croyais être poussée au maximum - tripler violemment de volume. Et je ne peux que prononcer ces quelques mots :
    - Excuses acceptées!
    Avant de me jeter au cou de mon Apollon personnel.
    M’enroulant alors autours de lui tel une liane autours d’un tronc d’arbre, je noue étroitement mes bras autours de son cou, et mes jambes autours de ses hanches, nous emprisonnant dans une étreinte que ses bras à lui s’empressent de rendre étouffante en me soulevant puis en enserrant mon buste de façon à ce que mon torse soit plaqué contre le sien, expulsant d’un seul coup tout l’air de mes poumons.
    Jamais de ma vie je n’ai échangé de baisers aussi féroces, aussi passionnés! Mais sous peine de mourir asphyxié, je dois prendre sur moi et m’arracher à ses lèvres magiques pour aspirer de grandes goulées d’air. Dieu, comme ce type sait embrasser! Si je m’écoute, je me damne rien que pour l’un de ses baisers! D’ailleurs, il a intérêt à ne pas lésiner sur eux!
    J’en suis là de mes réflexions, lorsque dans un sursaut, une pensée me revient. Mais au fait, n’ais-je pas parlé d’une promesse?
    Maîtrisant mon souffle avec difficulté, je parviens néanmoins à murmurer :
    - Mathias… Haan oui! Promet-moi… Hum! Promet-moi de me faire l’amour de la façon la plus sauvage, la plus débridée et la plus bestiale qui soit! Je veux pouvoir me souvenir de toi, de ton corps, de tout ton être, et cela même en étant endormi. Je veux te sentir jusque dans mes rêves!
    Son rire de velours secoue ses épaules alors qu’il mordille le lobe de mon oreille gauche.
    - Alors c’est ça la promesse que tu voulais que je fasse? Aucun problème Darling. D’ailleurs, je peux même faire mieux, sinon pire…
    A ces mots, des frissons de crainte et d’excitation mêlés envahissent mon corps. Et tout en proie à leurs délicieuse caresses, je sursaute lorsque ses lèvres - agrémentées d’une langue experte -, trouvent un autre terrain de jeu que ma bouche en allant explorer les contours de ma mâchoire, de mon cou et de mon torse, tandis que ses mains - l’une plaquée sur mon dos et l’autre sous mes fesses -, s’appliquent à trouver mes points sensibles et à les stimuler de la façon la plus exquise qui soit!
    La tête renversée en arrière, je gémis mon plaisir avec volupté, me tortillant sous les assauts de sa bouche et de sa langue - qui sucent, lèchent et mordillent mes tétons avec un soin quasi sadique -, et de ses mains - qui palpent, caressent et agacent chaque zone érogène de mon corps enflammé.
    Nous sommes tous les deux couverts de sueur, et l’odeur de sexe qui règne dans l’entrée agit sur moi tel un aphrodisiaque. Ma serviette de bain ceint toujours mes hanches, et je brûle du désir de la retirer elle, ainsi que tous les vêtements que Mathias porte encore, et qui séparent nos peaux d’un réel contact physique. Mais mon homme ne semble pas capter le message, et me frottant lascivement à lui, je lui fais comprendre - baisers persuasifs à l’appui -, qu’il a tout intérêt à me retirer ce bout d’éponge qui m’irrite s’il ne veut pas que j’explose prématurément.
    Lentement, très lentement, Mathias me repose sur mes jambes, mais comme je manque d’équilibre à cause de ma trop grande excitation, il doit me retenir pour ne pas que je tombe. En un tour de main, il arrache la serviette qui me cache encore partiellement de son regard de braise, et lorsqu’il me voit, si offert et désireux, il tend la main vers moi pour me caresser doucement. Ses doigts sur ma verge tendue à m’en faire mal sont la goutte d’eau qui fait déborder le vase, et je me laisse aller au plaisir dans un cri, surfant sur une vague de sensations si intenses que j’en ressors vidé.
    L’esprit embourbé dans une sorte de brouillard, j’entends vaguement Mathias me demander où se trouve la chambre, et je le lui indique d’une voix molle et dénuée de toute force.
    La chambre semble rétrécir de manière significative lorsqu’il y pénètre, comme si son aura - accessoirement additionnée à la mienne - avait absorbé tout l’oxygène et l’espace de la pièce, ne la réduisant qu’à lui et moi. A nous.
    Le jeu de la séduction animale vient tout juste de commencer, et j’en salive d’avance.
    Déboutonnant sa chemise, puis son pantalon d’un geste expert, mon ange de volupté s’attaque ensuite à son boxer. Le temps qu’il met à le retirer est interminable, mais il le fait sûrement pour faire durer le plaisir que m’évoque son strip-tease, et peut-être aussi un peu pour me faire languir. Après tout, ne lui ais-je pas fais promettre de me laisser un souvenir inoubliable de cette nuit?
    A présent totalement nu, il offre à mes regards fascinés, la puissance de sa virilité triomphante. Puis devinant que l’eau me monte à la bouche de manière insoutenable, il s’allonge entre mes jambes que j’écarte vivement, pressé que je suis de le recevoir en moi.
    Mais alors qu’il pousse doucement sur mon inimité désireuse, il ne va pas plus loin et me murmure à l’oreille :
    - N’oublie jamais cette nuit Max.
    Puis il plonge en moi d’un ample coup de rein qui me fait crier de surprise et de plaisir. Et alors que je me cramponne à ses épaules et que j’accorde les ondulations de mes hanches au rythme infernal de mon amant, je laisse couler des larmes de joie et de soulagement. Enfin! Enfin, j’accueillais le sexe de Mathias en moi! Et celui-ci m’emplissais si parfaitement! Si totalement!
    Je pense que même avec du recul, il me sera impossible de décrire avec quelle perfection nous nous sommes accordés sur tous les plans lui et moi cette nuit-là. Et sans le savoir malgré une promesse plus qu‘honorablement tenue, Mathias m’a offert dans cette chambre, qu’auparavant j’occupais seul au milieu de mes fantasmes et de mes chimères, le Noël le plus inoubliable que j’aie jamais vécu.

     

     


     

     

    Billet :

    Qui n’a jamais lu de VDM? Pour les ignorants qui ne sont pas allés lire ces merveilles de malchance, je vous conseille d’aller les découvrir tout de suite!
    C’était la période de Noël et je voulais écrire quelque chose d’original et de piquant. L’histoire de Maxime vient tout juste d’une Vie de Merde que j’ai pris la liberté d’adapter à ma sauce.


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