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    Prologue

    [X]

    - Intéressant…Oui, vraiment intéressant.
    Confortablement installé dans la pénombre d’un profond fauteuil à haut dossier, un homme aux traits fins et magnifiques du nom de Cèlüè - on lui avait donné bien des noms au fil des siècles passés, mais il avait toujours eu une préférence particulière pour ce dernier -, contemplait avec une attention mêlée de délectation, la scène qui se déroulait sous ses yeux

    Allongés dans des draps de soie rouge, deux corps en fusion se déhanchaient à un rythme infernal. Un homme blond d’une fine musculature se faisait passionnément posséder par un magnifique brun ténébreux dont les yeux noirs étaient si sombres qu’ils paraissent sans fond.
    - Mmh… Aah… Oui…Oui, plus fort!
    Accédant à la requête de son amant, le brun saisit fortement les hanches du blond de ses mains puissantes et accéléra ses coups de butoir, prenant plus d’élan afin de se projeter le plus loin possible en lui.
    Après de longs et profonds va-et-vient, le blond hurla son plaisir, et le fruit de son extase jaillit sur la peau laiteuse de son ventre, tandis qu’il se resserrait subitement autour du brun, le poussant lui aussi à se laisser aller au plaisir.
    Satisfaits et repus, les deux amants retombèrent lourdement sur les draps rendus délicieusement tièdes par leurs ébats et s’enlacèrent tendrement. Visiblement épuisés mais heureux, ils échangèrent de doux baisers passionnés, tandis que dans leur regards, brillait tout l’amour qu’ils ressentaient l’un pour l’autre.

    Cette expression de tendresse fit naître un sourire moqueur sur le visage de Cèlüè. Riant doucement, il passa une main aussi blanche que l'albâtre au-dessus du Miroir qu’il contemplait depuis quelques heures et interrompit la transmission. Tout cela était incontestablement intéressant.
    Joignant les deux mains, il rit encore une fois.
    Cette fois serait définitivement la bonne et personne lui échapperait plus. Il allait enfin le faire sien et sa victoire serait parfaite!


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    Chapitre 1 [X]

    Un doux rayon de soleil matinal vint éclairer le couple qui s’enlaçait sous des draps couleur de sang, illuminant la chevelure du blond qui semblait tissée de fils d’or pur, et faisant briller celle du brun d’un noir ébène aux reflets bleutés.
    S’éveillant lentement de son sommeil réparateur, Elizia Von Waldorf ouvrit doucement ses yeux d’un noir profond et posa son regard endormi sur les formes sensuelles et lascives de son compagnon.
    Ainsi assoupi, Florent ressemblait vraiment à un ange avec ces cheveux blonds et cette lumière matinale qui le nimbait telle une auréole céleste. Il ne lui manquait que l’innocence et la pureté saintes pour coller totalement au personnage, sauf que le brun était suffisamment bien placé pour savoir qu’il n’en était rien.
    Les doigts de sa main, déjà posés sur sa poitrine imberbe qui se soulevait doucement au rythme d’une respiration calme et mesurée, caressèrent doucement la peau d’albâtre, puis taquinèrent les tétons roses et les abdominaux, et enfin, s’infiltrèrent dans le nombril si tentateur. Mais il ne descendit pas plus bas, craignant de le réveiller. La nuit dernière avait été très intense, et le jeune homme préférait laisser son ange dormir. Leur fougue avait été si grande qu’ils s’étaient épuisés l’un l’autre, leur passion fouettée jusqu’au sang par l’audace, toute nouvelle et surprenante, de Florent.
    Elizia n’avait pas prévu que tant de passion le rende aussi fou de désir, et rien que d’y repenser, il se sentait durcir à nouveau sous les draps.
    - Eh bien, eh bien, eh bien… Que me vaut cet air ravi de si bon matin?
    Brusquement arraché de ses pensées par une voix rauque de sommeil, Elizia tourna la tête et se perdit dans le regard vert de son compagnon, où brillait une lueur malicieuse.
    - Depuis combien de temps es-tu réveillé?
    - Oh… Assez longtemps pour deviner que cette nuit te laissera d‘inoubliables souvenirs!
    Il gloussa.
    - Il fallait bien que je te souhaite un bon retour à la maison! Tu m’as tellement manqué…
    Touché, Elizia l’embrassa doucement, pressant ses lèvres contre les siennes. Florent aussi lui avait manqué. Son absence à ses côtés durant les six mois qu’il avait passé à l’étranger pour affaires, avaient failli le rendre malade de solitude et de frustration.
    Un grand sourire aux lèvres, Florent se redressa, s’assit à califourchon sur son amant et lui passa les bras autour du cou. Le mouvement de ses hanches sous les draps fit dangereusement butter leurs sexes l’un contre l‘autre, et un violent frisson les parcourus de la tête aux pieds.
    - Attention, Florent, si tu me provoques tu devras en assumer les conséquences.
    Il ponctua sa menace d’un sourire taquin.
    - Et je ne pense pas pouvoir être aussi doux que cette nuit. Je me sens d’humeur plutôt…féline.
    - Mmmh, dois-je avoir peur… Mon Seigneur?
    - Tu joues avec le feu…
    - Oui… Mais qu’importe? Si cela signifie risquer de mourir de plaisir, je veux bien m’y brûler tout entier…
    S’approchant alors lentement, Florent offrit goulûment sa bouche à celle d'Elizia, qui ne se fit pas prier pour l‘envahir d’un baiser intense et langoureux, leurs langues se caressant avidement. De plus en plus excité, le blond s‘écarta brièvement pour lâcher dans un souffle :
    - S’il te plait mon amour, donnes-en plus que cette nuit…
    Son regard brûlant parcourait lentement le torse offert de son beau brun dans une silencieuse invite, sa bouche impatiente butinant les lèvres moelleuses et humides, qui s‘étiraient en un sourire amusé.
    Résistant difficilement aux supplications sensuelles de son amant, Elizia murmura doucement :
    - Blondinet…Cesse de m’embrasser comme ça ou je ne réponds plus de rien…
    Florent ricana, collant alors plus étroitement leurs corps enflammés, donnant de petits coups de bassin provocateurs qui les fit frémir.
    - Et si je n’ai aucune envie d’arrêter? Mmmh? Qu’est-ce que je risque Môssieur le baron?
    Après un dernier coup de reins qui l’électrisa violement, Elizia s’empara de la bouche de Florent avec fougue et les fit basculer d’un geste sur le lit. Se redressant vivement, il maintint les poignets de Florent au-dessus de sa tête, et le domina de toute sa hauteur.
    - Très bien, tu l’as cherché. Je vais vous montrer ce qu’on risque lorsqu’on me provoque, Berscham.
    Hilare, Florent éclata d’un rire franc qui s’étrangla bien vite dans sa gorge lorsqu’Elizia fondit sur lui et pénétra sa bouche de sa langue impatiente.
    Fou de désir, Elizia se sentait l’envie d’être violent, brutal et passionné, de jouer avec le corps fin et gracile qui se tortillait déjà de plaisir sous lui, et de le faire languir de désir jusqu’à l’imploration.
    Quittant sa bouche, Elizia laissa lentement glisser ses lèvres le long de son cou, puis sur sa poitrine haletante. Affamé, il suçota, mordilla et lécha longuement les tétons qui se dressaient déjà, durs de désir et de plaisir, prenant tout son temps, s‘attardant sur chaque centimètre de peau disponible. Faisant durer le plaisir encore et encore, jusqu’à ce que…
    - Elizia…Qu’est-ce que tu fais? Prend-moi maintenant!
    Gagné.
    Elizia sentit un horrible sourire sadique éclairer ses traits.
    - Non, non, non. Tu as été reconnu coupable de provocation sexuelle sur ma personne. Tu dois subir ta punition maintenant… N’est-ce pas toi qui désirais mourir de plaisir?
    Désormais victime et prisonnier de son propre jeu, Florent se tortilla longtemps en gémissant sous les coups de langue de plus en plus provocateurs de son bourreau, les joues rougies par le plaisir, le souffle irrégulier, et les mains crispées sur les draps rouges qu’elles froissaient violemment.
    Son air torturé fit doucement rire Elizia.
    Poursuivant sa tâche, le brun laissa glisser sa langue sur le ventre contracté, contourna doucement le nombril puis le membre dur et dressé à l’extrême, prêt à exploser. Florent haletait et lui jetait des regards implorants mais Elizia les ignora, amusé par cette impatience croissante lui donnait des envies trop tentantes pour qu’il ait la moindre envie d’y résister. Taquin, il souffla doucement sur la verge tendue et sensible, et savoura la réaction immédiate, un sourire carnassier sur le visage.
    - Elie!
    - Mmmh, oui, tu es très excité... Voudrais-tu que je m’occupe de cette partie-là ?
    - Elizia… Ne me fais pas attendre plus longtemps !
    Son ton raide et son regard rempli d’éclairs étaient éloquents, mais ils ne suffirent pas à convaincre Elie de cesser enfin son petit jeu. Au contraire, ce visage torturé eut l’effet inverse, et l’excita violement. Reprenant alors ses caresses humides le long de l’aine, puis vers l’intérieur des cuisses avec une passion décuplée, le jeune homme lécha et caressa amoureusement les testicules offertes de son souffle brûlant. Puis sans prévenir, il prit le membre turgescent et chaud en bouche pour entamer de puissants va-et-vient.
    Le cri de plaisir mêlé de surprise de Florent, qui récompensa son initiative lui fouetta les sangs, et le poussa à aspirer plus fort encore. Accélérant donc la cadence et raffermissant sa prise en serrant un peu plus les lèvres, Elizia fixa ses regards sur le corps joliment cambré de plaisir qui s’abandonnait à la jouissance. Et alors que quelques gouttes d’élixir paraissaient sur sa langue, il libéra le membre humide et fit lentement glisser ses lèvres jusqu’au sommet rougit dont il titilla le bout, les suppliques de Florent qui lui ordonnaient de le prendre immédiatement allant crescendo.
    Pénétrant alors profondément l’antre chaud et serré d’un doigt humidifié, Elie le fit doucement aller et venir, pendant que sa langue s’activait toujours sur le petit creux sensible du gland. Quelques secondes seulement s’écoulèrent avant qu’il ajoute un second doigt au premier, les faisant bouger ensemble plus rapidement.
    Lorsqu’il le sentit s’ouvrir et se refermer sur ses doigts, s’y empalant convulsivement de lui-même, Elizia retira ses doigts et se plaça entre les cuisses écartées, admirant l’entrée dilatée et prête à l’accueillir. Le regard brûlant d’une fièvre vorace, il s’allongea sur Florent, le maintint contre lui, et lui mordit l’oreille, murmurant doucement :
    - Je vais y aller mon amour, mais je ne serais pas doux avec toi ce matin…
    - Elie…. Non, s’il te plait, ne…Ha!!
    Sans égard pour ses protestations, Elizia le pénétra violement, son sexe dur écartant les chairs tendres sans aucune douceur. Des larmes de douleur roulèrent alors sur les joues rouges du blond, silencieuses et accusatrices.
    - Espèce de sal…
    - Chut, chut, chut… Ne dis pas des choses que tu serais susceptible de regretter… N’oublie pas à qui tu t’adresses mon chéri. Tu es fautif, tu dois être puni.
    - Mais ça fait mal Elie!
    - Je sais, je sais, mais regarde : tu gémis déjà de plaisir. C’est meilleur maintenant, non?
    Florent se cambrait effectivement sous les coups de reins puissants d’Elizia, s’agrippant à ses épaules et lui griffant le dos, ses petits ongles pointus creusant de longues cicatrices qui se perlaient de sang vermeil.
    - Tss, voilà que tu me griffes maintenant…
    D’un geste vif, il lui saisit les hanches et accéléra ses coups, s’enfonçant le plus loin possible dans la chair douce et palpitante, ses testicules claquant violement contre les fesses rougies de son amant. Eperdu de plaisir, Florent entoura les hanches actives d’Elizia de ses jambes et emprisonna son cou de ses bras. Collant leurs torses l’un à l’autre comme pour se fondre en lui, il réclama sa bouche et mêla sa langue à la sienne.
    Ils jouirent à l’unisson après un ultime va-et-vient. Epuisés et le souffle court, les deux amants laissèrent retomber leurs corps transpirants sur les draps rouges, un soupir satisfait s’échappant d’entre leurs lèvres entrouvertes.
     
    Presque une heure s’écoula avant que l’un ou l’autre ne puisse prononcer le moindre mot. A moitié endormis et les corps alanguis, les deux hommes se regardaient les yeux dans les yeux, les mains jointes. Au loin, un oiseau pépiait sur sa branche, célébrant le matin de son chant mélodieux et reposant.
    - Je t'aime Elie...
    Frissonnant, Florent se blottit contre Elizia qui l’enlaça. Il aimait cette proximité après l’acte, cette douceur que son amant montrait si rarement et qu’il ne destinait qu’à lui.
    - Dors maintenant.
    - Mais…et toi?
    - Moi, je dois rentrer au manoir, je suis déjà en retard. Je te rappelle que j’ai des obligations… Un peu comme toi d’ailleurs, même si je t’autorise un repos plus tardif que celui de tes confrères.
    Le jeune homme soupira. Ce rappel à l’ordre n’était pas nécessaire. Depuis le temps que sa famille était au service de la famille Von Waldorf, Florent savait depuis l’enfance qu’elles étaient ses corvées. Il connaissait l’emploi du temps de son maître comme sa poche, et pouvait se déplacer dans le manoir les yeux fermés, et ce, même dans le noir.

    ***

    Chapitre 1

    [X]

    De retour au manoir - une immense bâtisse en pierres taillées, parée d’une multitude de fenêtres de bois sombre et de vieux vitraux - Elizia, franchit le seuil d’un pas ferme et décidé. Il revenait de la petite maison cachée dans la forêt voisine. Il l’avait faite construire en prévision de ses ébats nocturnes - ou diurnes - et chaque fois il en revenait frais et plein d’énergie.
    En maître incontesté des lieux, il s’installa confortablement dans un sofa de velours noir et convoqua ses domestiques.
    Une femme replète portant un plateau de thé, et deux hommes en habit rappliquèrent aussitôt. Elle déposa le plateau, servit le thé et s‘en alla, tandis que les deux hommes attendaient sagement les directives.
    - Ai-je reçu du courrier Walkins?
    - Oui monsieur.
    - Très bien, donnez-le-moi. Hank, dites à Berscham de sceller mon cheval, je dois me rendre chez les Hatcher au plus vite.
    Le dénommé Hank s’en fût du salon au pas de course vers les écuries. Walkins, revint quelques minutes plus tard avec une pile de lettres et un coupe-papier sur un plateau puis se posta derrière son maître.
    Epluchant les nouvelles, Elizia dénicha une lettre dont le cachet ne lui était pas totalement inconnu : une rose illuminée par la pleine lune.
    Il la décacheta, parcouru les lignes de la missive avec attention puis la froissa brusquement.
    - C’est une plaisanterie! Walkins! Qui l’a apporté? A quoi ressemblait le porteur?
    Intimidé par la soudaine colère du baron, le domestique s’efforça de répondre calmement.
    - Elle est arrivée hier soir en votre absence monsieur. Le porteur a réveillé tout le manoir, son insistance nous a tous étonné. Il était entièrement vêtu de noir, sa cape et ses gants étaient d’un rouge pourpre et son masque…
    Elizia eu un sursaut.
    - Son masque?
    - Oui monsieur, cet homme était masqué. Nous avons su qu'il était un homme qu'après avoir entendu sa voix.
    - Et ce masque, comment était-il?
    - Il était blanc monsieur, avec des arabesques noires serties de diamants. Je me souviens que sa cape en était parée elle aussi.
    Les sourcils froncés, Elizia serrait les dents. Il voyait peu à peu le piège qui se dressait sur son chemin. Or, il refusait que cela soit possible.
    - Et que représentaient ces arabesques Walkins? Soyez précis je vous prie.
    Le domestique, sentant son maître devenir de plus en plus tendu, s’obligea à rester calme.
    - Et bien monsieur, elles représentaient des roses illuminées par la pleine lune.
    - Bon sang!
    Elizia, était fou de rage, il n’en revenait pas de s’être fait avoir de la sorte.
    - Walkins, annulez mon rendez-vous chez les Hatcher et faites appeler ma mère. Il faut que j’éclaircisse toute cette histoire!
    Le domestique, trop heureux de fuir les foudres de son maître, s’exécuta dans la seconde. Resté seul, le baron, faisait les cent pas en grinçant furieusement des dents.


    Chapitre 1

    [X]

    Une heure plus tard, Madalegna Von Waldorf, une femme au visage de poupée pénétra dans la pièce. Elizia retint sa colère pour la saluer, ce contrôle ne dura qu’un court instant.
    - Mère puis-je savoir ce que signifie cette mascarade?
    - Je ne sais pas de quoi vous parlez Elie.
    Elle l’appelait par son diminutif? Bien! C’est donc qu’elle avait donc quelque chose à se reprocher!
    - Vous ne voyez pas de quoi je veux parler?
    Il brandit la lettre sous son nez, en rage.
    - Admettez, mère que vous y êtes pour beaucoup!
    - Vous m’accusez mon fils, mais vous n’avez aucune preuve de ce que vous avancez.
    Elizia contempla sa mère avec dégoût. Son visage de porcelaine semblait si doux, si innocent que l’on ne pouvait deviner la noirceur qui s’y dissimulait. Il savait que sa mère haïssait son mode de vie. Elle rêvait de l'en voir changer et pour parvenir à ses fins, lui avait joué un tour magistral.
    - Déposer mon nom comme candidat à l’Académie Mondrose a été la pire idée que vous ayez eue pour me nuire !
    Un petit sourire vicieux joua sur les lèvres rosées de la femme, ternissant quelque peu sa beauté.
    - Je l’ai fait pour votre bien…
    - Pour mon bien? Je pense plutôt que vous avez agi dans votre propre intérêt! Voir votre fils, votre unique héritier au plus haut de la société aristocratique ferait vos choux gras!
    - Je vous rappelle que vous êtes encore mineur Elizia. Malgré cette apparence d’homme virile que vous vous donnez et l’attitude froide qu’il vous plait d’afficher, je suis encore en droit de vous donner des ordres et de vous contraindre à y obéir!
    Plus que la trahison de sa mère, c’était la perspective de se séparer de Florent qui l’insupportait. Il n'imaginait pas pouvoir s’éloigner de lui, ne plus l’avoir à ses côtés, le perdre pour des ambitions qui n’étaient pas les siennes!
    Plongeant son regard sombre dans celui si vert de sa mère, il cracha, haineux :
    - Je ne vous le dirai qu’une fois mère : je refuse de me plier à vos caprices, et rien de ce que vous direz ne me fera changer d’avis !


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    Chapitre 2

     

    - Tu vas y aller!
    Elizia plissa les yeux, des éclairs de colère embrasant ses prunelles sombres.
    - Qu‘est-ce que tu viens de dire?
    Excédé, Florent se campa devant son maître les jambes écartées et les poings sur les hanches, le regard solidement fixé au sien.
    - Je te le dis une bonne fois pour toutes Elizia : tu dois accepter cette satanée inscription et te rendre dans cette école le jour et l’heure indiqués! Si tu manques cette chance, tu ne deviendras jamais le gentleman accompli que tu es sensé être! A moins que tu aies prévu d’abandonner tes titres pour devenir paysan dans cette campagne reculée, tu n’as pas le choix!
    De plus en plus furieux, Elizia, avança d’un pas, menaçant.
    - Fais attention à la manière dont tu t’adresses à moi Berscham! C’est moi le maître ici, toi tu n’es qu’un domestique!
    La lettre de l’Académie avait mis le jeune homme en rogne. Incapable de se calmer, il avait enfourché son cheval et s’était rendu dans les champs afin de s’éclaircir les idées et de remettre de l’ordre dans ses pensées bouillonnantes.
    Florent, ayant eu vent de la nouvelle qui s’était répandue comme une traînée de poudre dans tout le manoir, avait accouru aussitôt auprès de son maître pour le réconforter, sachant parfaitement où celui-ci s’était rendu.
    Lorsqu’il était surprit par la colère, le baron préférait s’éloigner du manoir, afin de ne pas imposer son humeur assassine à ses domestiques. Une logique altruiste qui faisait souvent sourire Florent, car bien que son maître prétende agir uniquement selon l’éthique de conduite que son excellente éducation lui avait inculquée, le blond savait qu’au fond, ce souci du bien d’autrui relevait avant tout d’une profonde bonté qu’il refusait de s’avouer. Des qualités indéniables et touchantes, qui n’éclipsaient malheureusement pas les inconvénients de leur relation : leurs classes sociales.
    Cette pensée provoquée par la pique d‘Elizia raviva soudain d’anciennes blessures, et son corps frémit sous la colère. Ils formaient un couple, mais il y aurait toujours quelqu’un - ou quelque chose - pour leur rappeler qu’ils n’étaient pas nés dans les mêmes sphères ! Quoi qu’il fasse ou espère, Florent serait toujours voué à une vie de servitude, tandis qu’Elizia pourrait vivre comme bon lui semblerait, vaquant à ses occupations et ses loisirs sous l’égide qui lui conviendrait, sans que jamais rien ne change quant à leur relation de maître et de serviteur. Qu’il était humiliant et frustrant de se voir toujours dominé de cette manière! Il en aurait pleuré d’indignation!
    Elizia était l‘homme qu‘il aimait plus que tout au monde, mais ils ne pourraient jamais vivre sur un même pied d’égalité ni révéler leur amour au grand jour. Jamais.
    Les modifications radicales qui altérèrent soudain les traits de Florent, éclipsèrent d‘un coup tout sentiment belliqueux en Elizia. Il était allé trop loin.
    Peu de choses mettaient son amant en colère, mais qu’Elizia abuse de ses prérogatives en tant que maître lorsqu’ils n’étaient que tous les deux, en faisait partie. Blessé et furieux, Florent tremblait sous la colère rentrée qu’il ne maitrisait qu’à force de volonté, afin de ne pas dépasser les limites et de rester « à sa place ». 
    Cette vision lui serra le cœur.
    Désolé, Elizia l’attira à lui et l’enlaça doucement, l’enveloppant de ses bras protecteurs afin de l’apaiser. Les habitudes chez lui avaient la dent dure. Afin d’éviter que le langage ou leurs gestes intimes qu’ils adoptaient lors de leurs moments en tête-à-tête ne les trahissent lorsqu’ils étaient en public au manoir, ils avaient fini par fixer des limites et des codes leur permettant de donner le change. Un stratagème qui avait fait ses preuves, mais qui aujourd’hui, n’avait pas lieu d’être
    Il s’en voulait de l’avoir fustigé même s’il l’avait fait pour le bien de leur couple. Les circonstances n’étaient pas habituelles, et tous deux étaient gouvernés par la peur et la colère. Sachant cela, Elizia n’aurait pas dû se laisser emporter si facilement. Il était allé trop loin.
    - Pardon Florent, excuse-moi…
    Le visage enfouit dans le cou de son maître et amant, Florent soupira, d’abord pour se calmer puis d’aise. Que c’était bon!
    Le contact du corps d’Elizia contre le sien et sa chaleur bouillonnante, avaient toujours eu le don de le rassurer.
    Malgré les fréquentes altercations de ce genre, Elie savait lui montrer son amour. C’était cet étrange mélange de dureté et de douceur qui avait fait s’affoler les battements de son cœur lors de leur première rencontre, et là dans ces bras puissants et protecteurs, son corps moulé tout contre le sien, il constatait avec joie que rien n’avait changé.
    Respirant avec délectation l’odeur de foin et de soleil qui imprégnait les cheveux de son ange blond, Elizia manqua de gémir de désespoir. Comment allait-il supporter une seule journée loin de son amour?
    - Tu es conscient que si j’accepte de m’y rendre, nous ne nous reverrons pas avant la fin des trois longues années que vont durer ma formation?
    - Oui, j’en suis conscient.
    - Regarde-moi.
    Les yeux verts et embués de larmes plongèrent aussitôt dans les deux lacs noirs et veloutés qui les fixaient.
    - Je t’aime, et même si je sens que je vais amèrement le regretter, je vais t’écouter. Je vais accepter cette invitation qui va me séparer de toi pendant trois longues années, mais je te préviens, je ne vais pas m’en aller comme ça…
    Bouleversés, ils se serrèrent l’un contre l’autre avec passion, submergés par l’émotion et l’imminence du départ d’Elizia.
    Florent se jeta sur les lèvres rouges et pulpeuses de son amant, quémandant l’ouverture de cette bouche tentatrice du bout de la langue, impatient les unir l’une et l’autre.
    Cédant avec sensualité à l’audacieuse invite, Elizia ouvrit les lèvres et se laissa faire, une délicieuse raideur affectant le bas de son corps de plus en plus échauffé par leur étreinte.
    - Florent… Je vais te faire l’amour. Je vais t’aimer si lentement et si intensément que tu ne pourras oublier la sensation de mes baisers. Je vais m’imprimer en toi afin qu’il te soit impossible de m’oublier…
    Doucement, le brun allongea son écuyer sur le sol du champ de blé. Les yeux brillant d’un brasier fulgurant, il commença à le déshabiller avec une lenteur extrême, parcourant son corps offert de baisers humides. Haletant sous la montée du plaisir, le blond hoqueta :
    - Comment pourrais-je t’oublier? Je t’appartiens Elie! Mon corps et mon âme tout entiers sont à toi! Je ne vis que pour toi, à travers toi! Tu es…ma seule raison de vivre…
    - Mon doux amour…

    Tout ne fut ensuite pour Florent qu’un tourbillon de sensualité et de plaisir. Les lèvres d’Elizia ne semblaient se fixer nulle part, sa langue experte traçant de longs sillons incandescents, son souffle brûlant provoquant de violents frissons et ses mains pétrissant son corps avec une telle douceur, que le blond se sentait voler. Et c’est à peine s’il sentit une légère douleur le parcourir lorsqu’Elizia pénétra en lui, partageant avec lui son amour ardent, inconditionnel et dévorant.
    - Je t’aime Florent…
    Elizia se retira entièrement puis se renfonça profondément, encore et encore jusqu’au complet abandon de son amant. Alors il se retira totalement et, sous son regard mi surprit, mi frustré, Elizia laissa glisser sa langue jusqu’à l’intimité dilatée qu’il explora lentement. Savourant ce contact inattendu, Florent se cambra sous cette caresse chaude et humide, gémissant et se tortillant sous la pression de plus en plus puissante que les doigts de son maître exerçaient sur sa verge tendue et gonflée. N’en pouvant bientôt plus de tant de plaisir, le blond se libéra en criant, dans la main qui l’enserrait doucement.
    - Elie…S’il te plaît…
    - Chut… Mon amour, laisse-toi aller simplement. Je m’occupe de toi…
    Dévoré du désir pressant d‘être pris, Florent voulu protester. Mais son cri d’impatience se perdit dans le puissant gémissement qu’il poussa lorsque la langue du brun le pénétra de nouveau, s’agitant en petits cercles contre les parois de son intimité, et l’excitant si fort qu’il durcit de nouveau, submergé de plaisir.
    Le membre imposant et gonflé d’Elizia le pénétra alors profondément, reprenant ses déhanchements en de puissants coups de boutoir qui leur arrachèrent de longs grognements de plaisir. Afin d’être plus proche encore de son maître, le jeune écuyer se colla à son torse musclé et luisant de sueur, et ensemble, ils s’abandonnèrent à la jouissance qui ne tarda pas à les submerger, cambrés dans un long cri qui se répercuta longtemps dans le silence du domaine.
    Haletants, les deux amants se laissèrent tomber sur le dos parmi les germes de blé, les bras et jambes écartés.
    Florent se blottit immédiatement contre le brun, soupirant de bien-être.
    - Jamais tu ne m’a fait l’amour de cette façon. C’était…fantastique! Et dire que je dois attendre trois années avant de te revoir!
    - C’est de ta faute si nous devons nous séparer. Je te signale que c’est toi qui désire mon départ.
    - Ne déforme pas mes propos! Tu sais très bien ce que j’ai voulu dire!
    La voix enrouée de Florent transperça le cœur d’Elizia, mais il s’efforça de garder un visage impassible : il se devait d’être fort pour tous les deux. Il le serra dans ses bras.
    - Calme-toi Florent. Te mettre dans cet état ne servira à rien.
    - Mais tu vas t’éloigner de moi Elie!
    Soudainement prit d’une panique irraisonnée Florent s’agrippa au brun.
    - Ne pars pas!
    Elizia lui saisit les poignets, et d’un coup de hanche, les fit basculer afin de se retrouver au-dessus de son amant.
    - Je t’ai dis de te calmer…
    Les larmes affluaient déjà sur son visage angélique mouillant ses lèvres tremblantes.
    - Maintenant que nous avons fini, tu vas retourner au manoir et me laisser ici. Comment veux-tu que je me calme?
    La lueur de surprise qui parcouru les prunelles d’Elizia se teinta rapidement de malice et un sourire pervers étira ses lèvres pleines.
    - Mais qui a dit que j’en avais fini avec toi Florent Berscham?
    Sur ces mots, il déposa un doux baiser sur les lèvres de son ange blond avant de descendre rapidement vers ses hanches pour le prendre en bouche dans un mouvement qui lui arracha un gémissement de surprise et de plaisir.

    ***

    - Ainsi vous avez changé d’avis.
    L’air suffisant de la baronne l’horripilait tant qu’Elizia crut exploser.
    Fière de sa prétendue victoire, elle se baladait dans le manoir telle une souveraine détenant les pleins pouvoirs sur la maisonnée, donnant des ordres à droite et à gauche aux domestiques qui s’afféraient autour d’elle.
    - Voyez mon cher fils, je finis toujours par obtenir ce que je souhaite! Comment croyez-vous que j’ai épousé votre père? La persévérance mon fils! La persévérance est toujours fructueuse!
    Levant les yeux au ciel et bougonnant des insanités dans sa barbe, Elizia s’éloigna du salon où sa mère avait établi son siège afin de superviser les opérations.
    Les bagages s’entassaient en une pile de plus en plus importante à l’arrière de la voiture, annonçant d’une manière on ne peut plus réelle, le départ imminent du maître.
    Toujours affairés autour de leur maitresse, les domestiques allaient et venaient en essayant de dissimuler leur tristesse. Le baron avait parfois été dur et sévère avec eux, son caractère ayant de quoi intimider et effrayer, mais il avait toujours fait preuve de justice et de bonté, c’était un bon maître. Son absence prolongée laisserait un grand vide dans l’immense manoir, une perspective qui les attristait tant que certains se cachaient dans les cuisines pour pleurer.
    Au moment de partir, Elizia ne put résister à ses pulsions, et couru aux écuries.
    Il y trouva son amant recroquevillé dans un coin, les épaules soulevées par de violents sanglots.
    - Florent!
    Le blond leva la tête, et ses yeux rougis par les pleurs se fixèrent sur l’homme immense et fort qui lui faisait battre le coeur. En un instant, il se retrouva entre ses bras puissants, plaqué contre son torse dont les battements de cœur résonnaient à ses oreilles.
    - Florent…
    - Elie…
    Un ultime baiser unit leurs lèvres alors que leurs cœurs se brisaient.

    ***

    Chapitre 2

     

    - Et bien, et bien… Voilà qui est prometteur.
    Un ricanement méprisant brisa le silence et la pénombre qui régnaient dans le somptueux bureau. Un homme aux mains gantées de blanc était penché sur un miroir, regardant attentivement ce qu’il transmettait.
    Un homme d’une vingtaine d’années du genre ténébreux, se tenait assis dans une voiture tirée par des chevaux dont les pas résonnaient sur un chemin de terre. Le dos droit, le regard fixé sur un point imaginaire, il arborait un air profondément attristé qui altérait quelque peu sa beauté suave. Ses cheveux ondulés d’un noir de jais, ses yeux de la même couleur, son nez droit et aristocratique, sa bouche au tracé sensuel et faite pour les baisers, son menton volontaire et sa mâchoire carrée, étaient mis en valeur par un costume gris anthracite, qui faisait ressortir son teint halé et moulait son imposante musculature, révélant de son corps une constitution robuste et noble.
    Se renversant dans son profond fauteuil de velours noir à haut dossier, l‘homme sourit.
    Elizia Von Waldorf s’était enfin décidé. Il s’en était fallu de peu que celui-ci refuse tout à fait l’invitation. Cet homme lui donnait vraiment du fil à retordre, et ce Florent Berscham n’avait fait que lui compliquer les choses. Ce domestique avait une influence bien trop importante à son goût, un contretemps qu’il prendrait soin de régler en temps voulu.
    Un gloussement s’échappa d’entre ses lèvres sensuelles. Le spectacle à venir promettait d’être extrêmement divertissant….
    - Tessa, appela-t-il d’une voix veloutée.
    - Maître?
    - Va me chercher Belzébuth, et prépare Adonis. Je veux qu’il m’attende avec impatience. Je me sens…d’humeur féroce.
    - Oui Maître.
    La panthère s’éloigna d’un pas félin, et se fondit dans la pénombre aussi silencieusement qu’elle en était sortie.


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  • 3.

     

    Chapitre 3[X]

    - Je me présente! Friedrich Olsen, pour vous servir!
    - Olivia Davantis, enchantée!
    - Célestina Lagarde, ravie de vous rencontrer tous.
    - Je m’appelle Elizia Von Waldorf. Tout le plaisir est pour moi.
    Les occupants du compartiment se saluèrent chacun d’un élégant signe de tête. Ils engagèrent une discussion polie, puis se découvrant peu à peu des passions et des centres d’intérêt communs, l‘échange devint plus animé.
    Elizia participa très peu à l’effusion qui optimisait l’habitacle, son esprit entièrement accaparé par le visage de son amant. Depuis sa montée dans le train et le départ de la gare, il ressassait sans arrêt l’image de son ange blond cambré sous la violence su plaisir qu’il lui avait procuré il y avait à peine quelques heures.
    Tout cela lui semblait si loin! La tristesse, qui lui pesait sur le cœur et qu’il s’efforçait de dissimuler, le faisait tant souffrir qu’elle lui donnait l’impression d’être présente depuis des années et non quelques heures!
    Laissant son regard errer sur la vitre où le paysage défilait à toute vitesse, son esprit divagua, s’enfuyant loin de la réalité qui le blessait si cruellement.

    - M. Von Waldorf, réveillez-vous le train s’est arrêté!
    Célestina Lagarde, jolie brune au visage poupin, le secouait doucement l‘air inquiet. Il sursauta. Ainsi il s’était assoupi? Battant plusieurs fois des paupières, il tenta d’accommoder sa vision face à la lumière d’une lampe à pétrole qui lui blessait les yeux. Un peu abruti, il regarda par la fenêtre, et vit qu’il faisait nuit noire. Seule la lune, énorme boule de lumière blanche perdue dans un écran noir, permettait d’y voir comme en plein jour. Surprenant son reflet débraillé, il constata qu’il s’était un peu avachi sur son siège et se redressa, arrangeant sa tenue au passage.
    - Pardonnez-moi ce réveil quelque peu cavalier mon cher, mais le train semble s’être arrêté. Nous n’allons pas tarder à descendre je pense.
    - Oh Celly, je suis si excitée! Etre admis à l’Académie Mondrose est un tel honneur!
    - Voyons ma chère Ollie, ne faites donc pas tant d’effusions!
    Celly? Ollie? Elizia observa tour à tour les deux femmes. Elles semblaient s’être liées d’amitié pendant le voyage, et plongé dans son sommeil, il n’avait rien vu venir. Célestina se comportait en grande sœur envers Olivia, la couvant d’un regard maternel et protecteur. La petite ne devait pas être âgée de plus de quatorze-ans et la grande de dix-sept. L’une aussi brune, grande et racée, que l’autre était blonde, pâle et d’apparence fragile, elles étaient leurs exacts opposés respectifs.
    Friedrich en revanche, possédait une masse de cheveux et des sourcils d’un roux flamboyant. Ses yeux d’un étrange vert clair brillaient d’une lueur malicieuse et sa carrure en aurait impressionné plus d’un.
    Elizia se souvenait que sa voix rauque était teintée d’un fort accent nordique, peut-être était-il écossais?
    Toujours dans les nuages, il écoutait d’une oreille distraite le pépiement joyeux que formaient les voix féminines lorsqu’un grésillement se fit entendre dans les haut-parleurs du train. Après quelques ajustements, une voix au timbre incroyablement sensuel et velouté déclara :
    - Chers élèves, soyez les bienvenus à l’Académie Mondrose, j’espère que le voyage vous a été plaisant. Votre arrivée annonce le  début des trois années que nous allons passer ensemble. Vous avez été choisis pour votre potentiel exceptionnel afin de devenir l’élite du pays. Chacun d’entre vous possède un don qu’il doit découvrir puis apprendre à exploiter au mieux, afin d’en tirer tous les avantages possibles qui seront utiles à notre gouvernement. Cette responsabilité m’a été attribuée parce que je dispose, pour cela, de moyens illimités et difficilement concevables pour les esprits des citoyens lambda, dont vous faisiez partie peu avant de parvenir jusqu’ici. Aussi, je préfère vous l’annoncer dès maintenant : prenez garde à vos dires, à vos gestes ainsi qu’à vos pensées, car rien ni personne n’échappe à mon contrôle. Je suis un excentrique dont les méthodes peu orthodoxes vont certainement en laisser quelques-uns plus que perturbés, c’est pourquoi je vous laisserais méditer la question suivante : croyez-vous à la magie?
    Un grésillement discret marqua fin de la communication, laissant derrière lui un silence pesant.
    Dans le compartiment d’Elizia, la chaleur des corps qui venait subitement d’augmenter commençait à les mettre mal à l‘aise. Inquiets par la température et ébahis par le contenu du message qu’ils venaient d’entendre, les quatre compagnons de voyage se lancèrent des regards sceptiques.
    Que signifiait cette mascarade? Que venait faire la magie dans tout cela? S’ils venaient dans cette école c’était surtout pour se perfectionner dans la discipline qu’ils décideraient d’exercer, pas pour écouter des discours abracadabrants! D’ailleurs, Elizia aurait bien aimé connaitre l’identité de l’homme qui possédait une voix si intrigante.

    Au bout quelques minutes, ne pouvant plus supporter ni l’intensité de cette chaleur infernale qui dévorait son corps, ni l’étrange tension brûlante qui s’accumulait rapidement au niveau de ses reins, le jeune homme se leva d’un bond et se rendit aux toilettes.
    Sur le trajet qui le menait au bout du couloir, la tension qui ne faisait alors que le gêner non loin des hanches, se mua subitement en un désir impatient d’être assouvi, cadençant sa marche de pulsations fortes au niveau de son bas-ventre, et faisant tressauter son membre qui durcit sans qu’il puisse rien y faire pour l’en empêcher. Alarmé par cette soudaine excitation venue de nulle part et sur laquelle il n’avait aucun contrôle, Elizia allongea le pas pour atteindre sa destination plus vite en priant pour que personne ne le voie dans cet état.
    Lorsqu’il s’enferma enfin dans l’unique cabine, le jeune homme demeura longtemps figé là sans comprendre, un regard complètement incrédule posé sur la formidable érection qui ornait son bas-ventre, la fixant comme s’il voyait son sexe ainsi pour la première fois. Ce qui, en quelque sorte, était un peu le cas.
    Cette réaction sexuelle affectait bien son corps, mais pourtant, il n’avait aucune idée de ce qui l’avait provoquée. Comme toutes les autres personnes présentes dans ce train, il suait à grosses gouttes sous la soudaine canicule qui les écrasait depuis quelques minutes, mais une érection? Son état d’esprit actuel en était à tellement d‘années-lumière!
    Ce qui lui arrivait était franchement étrange. D’autant plus qu’il ne voyait pas ce qui, chez lui, aurait bien pu déclencher pareil phénomène. Tout s‘était pourtant très bien passé durant il voyage, il n‘avait eu aucun problème particulier. Puis il avait entendu l’annonce troublante de cet homme inconnu et depuis…
    L’annonce. La voix.
    Se pouvait-il que…?
    Rien n’avait de sens, mais un début d’idée commença tout de même à se former lentement dans son esprit. S’il n’imaginait rien, il lui semblait possible que tout ait pu commencer au moment où cette voix étrange avait retentit aux haut-parleurs, car rien d’inhabituel avant cela n’avait affecté son corps. Ce n’était qu’après qu’elle a débuté son message singulier que les choses avaient commencé à changer jusqu‘à en devenir insupportables. Durant tout le monologue de l‘inconnu, la température du train n’avait cessé de gravir les échelons du thermomètre, transformant les wagons en sauna à chaque nouveau degré supplémentaire, et déclenchant au creux de son corps un désir irrépressible qui le dévorait de l’intérieur, suppliant qu’on l’assouvisse.
    Mais comment toutes ces choses pouvaient-elles être liées?
    « Croyez-vous en la magie? »
    Il ignorait complètement pourquoi son esprit choisit cet instant précis pour lui remémorer cette question incongrue, mais quelque part en lui, son instinct lui souffla que c’était là que toutes les réponses se cachaient. Il aurait bien aimé pouvoir s’y intéresser davantage afin de mieux comprendre son pressentiment, mais son désir était trop pressant pour qu’il le néglige plus longtemps sans commencer à en souffrir réellement.
    Glissant donc  une main fébrile dans les replis de son pantalon, Elizia entrepris de soulager la pression qui affectait son corps, les dents fermement serrées pour s’empêcher d’émettre le moindre son. Il n’était pas spécialement prude, mais il préférait nettement éviter qu’on le surprenne dans cette position, surtout le premier jour de son arrivée dans l’école la plus prestigieuse du pays.
    Mais lorsqu’il sortit des toilettes après avoir mis de l’ordre dans sa tenue, il se rendit compte bien vite qu’être discret et anonyme était inutile. Car en effet, derrière la porte, s’étendait une interminable file indienne de jeunes hommes en sueur qui, les joues rouges de honte et les mains devant leur entrejambe - dans une honorable tentative de cacher au mieux leurs érections qui tendaient les toiles des pantalons -n’attendaient qu’une chose : pouvoir eux aussi mettre fin aux tourments qui affectaient leur entrejambe tendu et douloureux.
    Retenant une grimace, alors qu’il laissait la place à l’un de ses confrères très empressé, Elizia s’appliqua à ne croiser aucun regard torturé lorsqu‘il longea la file pour accéder au couloir et ainsi retourner à son compartiment. Au fur et à mesure qu’il avançait, ses yeux distraits regardaient sans voir les peintures et les dorures qui ornaient les murs du long passage. Mais au bout d’un moment, un son étrange attira son attention, et lorsqu’il fit volte-face pour savoir d’où il provenait, un grognement de surprise lui échappa.
    A travers la fenêtre - dont le rideau n’avait pas été tiré - de la porte donnant sur l’intérieur du compartiment, le jeune baron voyait s’y dérouler une scène à laquelle il n’avait jamais assisté, et qui, si elle ne provoquait aucune émotion sensuelle en lui, eut le mérite de l’étonner jusqu’à la fascination.
    Allongées sur les banquettes couvertes de velours, trois jeunes demoiselles haletantes et tordues dans des positions audacieuses, se caressaient vigoureusement la poitrine et l’entrejambe à l‘aide de plusieurs de leurs doigts préalablement humidifiés de salive. Aucune d’entre elles ne semblait avoir plus de seize ans, et leur jeunesse, ajoutée au désir brûlant qui les animait, attisait leur ardeur déjà très stimulée. Hypnotisé par le ballet incessant de leurs mains sur leurs peaux tendes, Elizia mit de longues minutes avant de se détacher enfin de la scène orgiaque. Poursuivant alors son ascension d‘un pas songeur, il finit bientôt par se rendre compte qu’il n’y avait que des jeunes femmes dans les compartiments, les hommes ayant visiblement préféré faire preuve de galanterie - sans se douter qu’ils se condamnaient eux-mêmes un enfer très particulier : l’attente devant les toilettes lors d‘un besoin pressant.
    Constatant à travers chaque fenêtre non couverte que l’état de ces jeunes femmes était similaire à celui des occupantes du premier compartiment qu‘il avait vu - les joues rougies par le désir et le plaisir, les yeux brillant d’un intense feu intérieur, les bouches et les cuisses entre-ouvertes qui laissaient entrer puis sortir des doigts fébriles et impatients -, Elizia en déduisit que les demoiselles semblaient, elles aussi - dans l’hypothèse incroyablement improbable que cette théorie se révèle vraie -, avoir subi l’influence de cette voix masculine aux intonations lascives.
    S’appuyant contre un mur pour contempler à la fois, la file masculine, et les compartiments emplis de populace féminine, le baron secoua la tête, atterré par tant d’improbabilités.
    Dans quel traquenard l‘avait-on fourré?

    Une question dont il n’eut malheureusement pas le temps de pousser plus loin le raisonnement, car au loin, un sifflet venait de pousser son cri strident, annonçant ainsi la descente immédiate des voyageurs hors du train.

    ***

    Chapitre 3

     

    - Est-ce vraiment une école?
    Friedrich demandait tout haut ce que tout le monde pensait tout bas.
    - Je n’ai jamais rien vu de semblable. C’est incroyable!

    En descendant du train, un domestique en livrée noire et argentée pris soin de guider le flot d’étudiants qui se pressait sur le quai de la gare. L’éclat de la lune les nimbait de son halo argenté, donnant à Elizia l’impression d’être observé par les cratères grisâtres de l’astre.
    D’un pas hésitant, la petite centaine de jeunes gens remonta lentement l’immense allée couverte de graviers blancs et piquetée de parterres de roses d’un rouge éclatant, qui menait jusqu’à l’immense bâtisse de l’Académie Mondrose. Puis s’immobilisant devant cette merveille d‘architecture, la foule exprima une admiration stupéfaite.
    Situé entre le bord d’une falaise à flancs rocheux où la mer se déchaînait, et des haies épineuses qui délimitaient une étendue de terre noire et desséchée, l’édifice, qui abritait l’école en son sein, déjà immense vu de loin, n‘en parut que plus gigantesque observé de près. Fait de pierres taillées en forme de roses, les murs d’enceinte brillaient d’un éclat irréel sous la lumière de la lune, de nombreuses tourelles percées de gigantesques fenêtres illuminées se dressaient devant eux, et des jardins luxuriants, parés de fontaines d’eau pure et de multiples roseraies, faisant un paradis de ce lieu enchanteur où tout transpirait l’harmonie et la quiétude.
    Venant brusquement du Nord, loin au-delà de l’horizon, un vent lourd de parfum iodé afflua aux narines d’Elizia, apaisant immédiatement sa nervosité. Maintenant qu’il s’y trouvait, il comprenait mieux pourquoi ce lieu était légendaire : quel être sensé pouvait, de son plein gré, désirer quitter tant de bien-être et de beauté gracieuse?
    Pressée par le domestique, la procession poursuivit sa progression jusqu’aux grands escaliers de marbre blanc, qui menaient à des portes en bronze sculpté et mesurant plus de deux mètres de haut. Gravissant lentement les marches jusqu’au palier, les étudiants chuchotèrent entre eux. Ils avaient tous et toutes tant entendu d’histoires incroyables sur cet endroit! Beaucoup, étaient impatients de découvrir enfin si les racontars étaient vrais, tandis que d’autres, moins nombreux, craignaient surtout que toute cette mise en scène ne soit qu’une immense mascarade pleine d’esbroufe, destinée à les impressionner pour mieux les décevoir ensuite. Mais lorsque tous parvinrent en haut des marches, un bruit sourd perturba le silence tranquille des lieux, et les lourds panneaux s’ouvrirent d’eux-mêmes pour les laisser entrer, frappant ainsi les sceptiques de stupeur, et ravissant les convertis de longue date.
    Les yeux grands ouverts, la petite foule pénétra donc dans le vaste hall d’entrée, son admiration s’accroissant tandis que l’immensité des lieux lui apparaissait.
    De forme circulaire et dotée de huit portes - finement serties de minuscules diamants noirs et aux poignées dorées - disposées selon les directions cardinales, la pièce avait un plafond si haut et si large au-dessus de leurs têtes, qu’ils durent se tordre le cou afin de pouvoir distinguer les peintures qui l’ornaient. Représentée en couleurs vives par une main de maître, une multitude de chérubins, au Paradis, se livrait aux péchés de luxure et de gourmandise dans des orgies plus diverses les unes que les autres. S’abreuvant à d’immenses cruches de bronze et d’or fin d’où un vin rouge et épais coulait à flot dans des coupes d’argent, festoyant à grands renforts de nourriture riche et grasse débordant de plat posés sur de gros nuages cotonneux, les angelots arboraient des sourires vicieux et des expressions lascives qui démentaient toute nature divine, exhibant des sexes fièrement érigés qui ôtaient tout angélisme de leurs visages potelés, et révélaient tout de leur perversité démoniaque.
    Troublé par une telle vision Elizia frissonna, et préféra concentrer son attention ailleurs afin de dissiper son malaise. Fixant son regard sur les murs boisés, le jeune baron remarqua cette fois que les illustrations, bien que toujours très explicites,  y étaient moins agressives. Etendues sur des kilomètres, elles prônaient elles aussi, le total abandon aux plaisirs charnels, par des tentures montrant de jeunes et jolies vierges qui accueillaient de fougueux jeunes hommes entre leurs cuisses offertes et se cambraient de volupté sous les caresses intimes qu’ils leurs procuraient, et par de nombreux tableaux exposant les ébats passionnés de deux hommes dans le jardin d‘Eden.
    Derrière d’immenses colonnes de marbre noir, une multiplicité d’escaliers d’un bois sombre et précieux en colimaçon donnait accès aux étages supérieurs, s’élevant si haut vers la voûte du château et se fondant si bien dans l’inquiétante obscurité du plafond, que même en plissant les yeux, Elizia fut incapable de déterminer leur nombre exact.
    Un millier de lampes à pétrole s’alluma subitement comme par magie, illuminant la pièce d’une lumière éclatante qui fit luire les multiples dorures présentes du sol au plafond, et ravivait les rouges, les dorés et les orangés des tapis qui ornaient le somptueux carrelage en marbre.
    Tous étaient plongés dans l’émerveillement le plus complet, lorsque la voix du train retentit et les fit violemment sursauter. De nouveau, Elizia senti l’excitation s’emparer de son corps, et la chaleur le parcourir tout entier.
    - Bonsoir à vous chers étudiants.
    Les paupières plissées de méfiance, Elizia chercha le domestique des yeux, mais apparemment celui-ci semblait avoir disparu. Il eut beau fouiller le secteur du regard mais il ne trouva aucune trace de lui. Par où était-il parti? Avait-il utilisé l’une des huit portes?
    - Vous voici donc dans ma demeure. Prenez tout votre temps pour admirer ce hall, car je vous promets que dans les jours qui suivront, vous n‘aurez plus le temps de le voir. Vos cours vous tiendront bien trop occupés pour rêvasser ou bâiller aux corneilles. Chacun aura naturellement sa propre chambre, celles de ces messieurs et de ces demoiselles se situant respectivement dans les ailes est et ouest du château. Votre statut privilégié vous donne évidemment de nombreux avantages, mais en revanche, ne vous méprenez pas : étudier ici n’est pas un simple honneur, et encore moins une faveur acquise de droit par une descendance noble d’aristocrates renommés et respectés. Si vous êtes venus en croyant cela, vous êtes dans l‘erreur.
    Un rire suave et puissant envahit alors les moindres recoins de la pièce et modifia l’atmosphère de façon significative. Comme subitement enrobés d’une chape de désir brûlant, Elizia et ses camarades étaient pliés en deux, souffrant à nouveau de ce qui les avait affectés dans le train. Le corps brûlant et le sexe dur, le jeune baron dût serrer les dents pour s’empêcher de jouir. A bout de souffle, il pensa à masser discrètement ses bourses alourdies à travers son pantalon, afin de les rendre moins douloureuses. Mais dès que ses doigts les frôlèrent, il laissa échapper une plainte : il ne s’était pas attendu à ce qu’elles soient aussi sensibles.
    - Mmmh, oui… Douloureux n’est-ce pas? M. Von Waldorf, je vous ai entendu vous plaindre. Oui, je sais qui vous êtes, ne vous étonnez pas ainsi. Je connais l’identité et le passé de chaque étudiant qui passe le pas de ma porte jeune homme. Je me répète : ici rien ne m’échappe.
    Il y eu une pause cruelle qui leur donna à tous des sueurs froides.
    - Ici, les règles sont simples : on endure en silence, question de discipline.
    Frustré et offusqué, Elizia se mordit l‘intérieur des joues pour ne pas hurler. Tout cela n’avait aucun sens!
    - Monsieur, ou qui que vous soyez! Quelque chose nous torture!
    Des murmures désespérés et souffrants s’élevèrent autour de lui telle une clameur, appuyant ainsi ses dires.
    - Si vous êtes si omniscient, je vous en prie, faites que cela cesse! Nous n’en pouvons plus!
    - Votre impolitesse Elizia, commence à m’agacer. Ce dont vous souffrez ne prendra fin que lorsque je l’aurais décidé, je n’ai pas d’ordres à recevoir de vous.
    - Mais enfin! Comment pouvez-vous…
    - Pour la dernière fois, jeune homme : je ne vous dois pas d’explication. Je disais donc….
    - Non! Répondez-moi! Cessez cette torture, c’est insupportable!  Je… Aucun de nous ne va pouvoir se retenir plus longtemps! Il faut absolument que…
    - Von Waldorf, vous n’êtes qu’un arrogant malpoli. Ne vous a-t-on jamais inculqué les bonnes manières? ON NE COUPE PAS LA PAROLE AUX PERSONNES QUI SONT DEJA EN TRAIN DE PARLER!!
    Le grondement volent qui fit trembler murs et parquets, fit sursauter tout le monde, et lorsqu’il tressaillit, Elizia faillit perdre sa concentration sur sa verge prête à exploser. S’il bougeait encore ne serait-ce que d’un centimètre…
    - Vous m’avez mis de mauvaise humeur petit baron. Je vais finir de dire ce que j‘ai à dire, puis je m’occuperai de vous. Votre punition sera exemplaire.
    » Sachez, jeunes gens, que vous ne devez votre présence en ces lieux qu’à deux choses : le potentiel caché au plus profond de vous-même, dont moi seul en ait une connaissance profonde, et mon intérêt quant au profit que vous en ferez. C’est pourquoi votre naissance ou votre richesse n’ont rien à voir dans la sélection que j‘ai faite. Les destinations de mes inscriptions sont toujours choisies dans le souci d’obtenir à l’avenir, les meilleurs résultats possibles, surtout lorsque ce choix implique de laisser vivre aussi longtemps sous mon toit, de nombreux adolescents à peine pubères… D’ailleurs, puisque j’aborde ce sujet, il reste un dernier détail : il vous sera impossible désormais, de sortir du domaine avant l’achèvement de vos trois années d’études.
    - Mais personne ne nous l’a jamais dit!
    Les mines déconfites et paniquées des étudiants faisait peine à voir. S’éparpillant soudain dans un assourdissant brouhaha de cris et d’exclamations choquée, certains tentèrent vainement d’ouvrir les lourdes portes pour s’enfuir, tandis que d’autres cherchaient fébrilement  un endroit où se terrer pour discrètement mettre fin à leur excitation.
    Un chaos général régnait donc dans le hall d’entrée, mais la voix y mit fin d’un ton sans appel qui fit se tordre tous les corps de désir.
    - ASSEZ! Les protestations ne sont pas tolérées, et la pitié ne fait pas partie de mes qualités. A présent vous êtes prévenus, ne me faites pas répéter!
    Un silence de mort s’abattit sur la salle toute entière, la tension tétanisant les corps de peur et de frustrations sensuelle.
    - Bien. Maintenant M. Von Waldorf, laissez-moi vous enseigner votre première leçon : votre langue doit rester bien à l’abri dans votre bouche, tout comme vos pensées doivent le rester dans votre tête. Est-ce bien clair?
    Elizia serra les poings et les dents, et résista le plus longtemps qu’il put à la traction qui s’exerçait sur ses parties. Sa volonté têtue faillit l’empêcher de craquer, mais d’un coup d’un seul, la chaleur et l’excitation augmentèrent en intensité, balayant toute résistance. Cédant alors à l’assaut de désir et de plaisir mêlés qui l‘enveloppa jusqu‘à l‘étouffer, le jeune homme tomba à genoux, et s’abandonna à la jouissance devant les yeux horrifiés des autres étudiants. Son extase fût si grande, qu’il en perdit peu à peu connaissance.

    Perdu dans le brouillard qui obscurcissait son subconscient, Elie entendit une sorte de comptine chantée d‘une voix enfantine et moqueuse, retentir autour de lui comme une rengaine :

    « En voilà une bien jolie punition,
    Tu as mouillé ton pantalon,
    Crois-tu en la magie mon petit hanneton? »

    Elle réussit à attirer son attention pendant quelques secondes, puis la lumière s’évanouit, et ce fût le trou noir.


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  • 4.

     

    Chapitre 4

    [X]

    - Où suis-je?
    La tête lourde et l’esprit embrouillé, Elizia s’éveillait difficilement de son évanouissement.
    Il avait perdu connaissance pendant que le plaisir, provoqué par la voix mystérieuse, lui emprisonnait l’esprit et envahissait tout son corps, lui tétanisant les membres dans une redoutable étreinte qui l’avait obligé à jouir en plein milieu de hall, au vu et au su de tous les étudiants, sans qu’il ne puisse rien y faire!
    A ce souvenir, il rougit de honte et se mit à trembler de rage. Si jamais son honneur et sa réputation avaient été entachés par les lubies lubriques de celui à qui appartenait cette maudite voix…
    Vaguement conscient d’être allongé sur quelque chose de moelleux et de doux, il se redressa brusquement de surprise. Mais saisit d’un vertige, il retomba aussitôt sur les draps.
    Des draps?
    Réitérant son mouvement avec plus de lenteur cette fois, le jeune homme jeta un coup d’œil circulaire afin d’évaluer la situation.
    D’après ce qu’il voyait, il était allongé sur un immense lit à baldaquin. Les rideaux qui l‘entouraient, aussi blancs que les draps, étaient tirés, et cachaient à sa vue la pièce qu’il supposa être une chambre.
    A présent totalement assis, il s’adossa à la tête de lit en bois massif, repoussant derrière lui la masse impressionnante de coussins et d’oreillers disposée en éventail. Comment était-il parvenu jusqu‘ici? Impossible qu’il y soit parvenu tout seul. Quelqu’un donc l’y avait porté, mais qui? Et quand? Depuis combien de temps y était-il au juste?
    Usant de précautions pour ne pas se créer de nouveaux vertiges, Elizia se pencha en avant, écarta les rideaux et découvrit, incrédule que la pièce était déjà éclairée. Un pas lent après l’autre, il sortit du lit et s’approcha des immenses fenêtres pour y admirer les étoiles qui brillaient dans la nuit sombre, telles des diamants dans un écrin de velours noir. Puis, titubant légèrement sous l’éclat aveuglant des lumières, il entreprit de faire le tour de la chambre. Si la beauté du hall l’avait ébloui, force lui était d’avouer que la splendeur de cette chambre était bien plus époustouflante encore.
    Tout de blanc immaculé, les murs et les meubles réfléchissaient la lumière des bougies, les faisant miroiter en une multitude de points scintillants. L’or, le velours et la soie se mêlaient dans un ensemble parfait, créant un univers empli d’une telle sensualité qu’un frisson parcouru le jeune homme de la tête aux pieds. Des objets précieux et des tableaux de maîtres paraient chaque espace, même minuscule, embellissant la pièce sans la rendre étouffante. Un miracle de décoration qu’Elizia n’aurait pas cru possible dans une pièce aux dimensions si étendues, mais qui le plongea dans l‘admiration la plus complète. Il n’avait jamais rien vu d’aussi beau.
    Tout  à sa contemplation, le jeune baron sursauta lorsque deux petits coups discrets se firent entendre derrière la porte. Un bref « oui » lui échappa juste avant que la tête d’un homme passe par l’entrebâillement et qu’un sourire ravi naisse sur ses lèvres. Elizia reconnut immédiatement Friedrich, il n’avait pas oublié sa formidable chevelure rousse et ses incroyables yeux verts.
    - Elizia, bonsoir! Je me permets d’entrer, si cela ne vous dérange pas, bien sûr!
    Puis sans attendre de réponse, l’immense rouquin entra et referma la porte derrière lui.
    - J’espère que je ne vous dérange pas.
    - Pas du tout mon brave. Je viens tout juste de me réveiller. Prenez donc un siège.
    - Vous êtes bien aimable.
    Préférant toutefois rester debout, le comte parcouru la pièce d’un regard appréciateur. Puis plongeant son regard dans celui d‘Elizia, il éclata soudain d’un rire tonitruant.
    - Eh bien, eh bien, monsieur le baron! C’est un sacré beau spectacle que vous nous avez servi ce soir!
    Horriblement gêné, le concerné se détourna.
    - Savez-vous combien de temps je suis resté évanoui?
    - Mmmh, je dirais que vous êtes resté absent assez longtemps, peut-être une ou deux heures?
    - Bon sang…
    Friedrich rit de bon cœur.
    - Allons mon ami, ne vous en faites donc pas tant! Dans ma région, il y a un dicton qui dit « ce qui ne vous tue pas vous rend plus fort »! Et j’en connais même un autre qui dit que « le ridicule ne… »
    - Comment avez-vous trouvé ma chambre?
    Les dictons de cet écossais ne l’intéressaient pas, ils l‘agaçaient même. Elizia appréciait le comte et sa bonhommie, certes, mais se faire rappeler les événements de manière si cavalière ne lui plaisait pas du tout.
    - Euh et bien, c’est que la mienne et la vôtre sont voisines!
    - Comment cela « voisines » ?
    - Elizia, voyons! Cet homme inconnu nous l’a pourtant expliqué : les étudiants de l’Académie Mondrose ont des chambres privées. Nous sommes actuellement dans l’aile est du château, où toutes les chambres des hommes se trouvent. Vous vous êtes réveillé dans l’une d’entre elles, et son nom est « Lumia ». C’est inscrit sur la porte. La mienne s’appelle « Lambris ».
    A présent que le comte lui rappelait toutes ces choses, Elizia réalisa à quel point ces détails lui étaient sortis de la tête. Toute ces histoires abracadabrantes à propos de magie et de voix sortie de nulle part lui avaient fait perdre de vue la raison de sa venue. Or il ne devait pas s’égarer. Florent comptait sur lui.
    S’il se trouvait ici aujourd’hui c’était pour faire partie de l’élite et être de ceux dont les postes les plus importants leur apportaient gloire et honneur, pas pour rêvasser ni se faire martyriser par un sadique invisible. Il fallait, dès à présent, qu’il se concentre à nouveau sur son objectif et qu‘il n‘en déroge pas : décrocher son diplôme et rejoindre son amour le plus vite possible étaient prioritaire. Tout le reste ne comptait pas.
    - Un sou pour vos pensées Elizia…
    Concentré sur ses objectifs personnels, le jeune homme en avait oublié jusqu’à la présence du comte.
    - Mes excuses. Je me demandais qui était le directeur de cette école. Jusqu’ici personne n’en a jamais entendu parler. C’est…intriguant.
    - Mmh oui. En effet, c’est très curieux.
    Prudent, Elizia avait préféré mentir. Il ne pouvait décemment pas révéler à qui que ce soit que la personne pour qui il éprouvait des sentiments était un homme!
    Il assumait certes sans complexes sa sexualité, mais il ne pouvait se permettre de générer un scandale dans une société qui ne tolérait que la bienséance et la normalité. Sa fierté et son amour pour Florent lui interdisaient de commettre une telle erreur, car il savait parfaitement que cette différence ne serait pas comprise. Ils seraient jugés, traités en paria, et mis au banc de la société comme de vulgaires criminels, sans que rien ne garantisse toutefois qu’ils parviennent à rester unis devant la force de l’intolérance commune qui s‘abattrait sur eux.

    ***

    Chapitre 4

     

    - Friedrich, Elizia! Joignez-vous donc à nous!
    Le signal du dîner ayant été annoncé par un doux tintement de clochette venu de nulle part, es deux jeunes hommes étaient descendus ensemble dans la salle de banquet pour se restaurer.
    Elizia n’avait pas encore eu le temps de réfléchir correctement à ce qui lui était arrivé.
    Entre les étranges événements du train, la visite du domaine, les multiples interventions de la voix et son évanouissement, le jeune baron n’avait pas réalisé qu’autant de temps avait passé. Il n’avait rien avalé depuis son dernier repas au manoir, et par conséquent, il mourait de faim.
    S’attablant aux côtés de Célestina et d’Olivia, il s’étonna de la longueur surnaturelle de la table de banquet, admira la profusion et la diversité des plats servis et approuva les livrées argent et macassar des domestiques.
    Olivia, émerveillée par tant de beauté, s’exclama les yeux brillants et le sourire aux lèvres :
    - C’est incroyable toute cette richesse! On croirait rêver!
    - Je suis du même avis que vous ma chère!
    Bien sûr, Célestina n’avait pu s’empêcher de donner son avis.
    Amusé, Elizia sourit. C’était un trait de son caractère qu’il commençait à connaitre et à apprécier.
    Au fur et à mesure qu’il dévorait les mets qui s’entassaient dans son assiette, le jeune homme réalisa que tout, dans la salle était couvert d’argent et de velours pourpre. Du sol carrelé au plafond peint, des incrustations d’argent et de rubis brillaient de mille feux dans les moindres recoins de la pièce. La table en bois travaillé et les chaises couvertes de velours pourpre surpiqué de clous argentés occupaient la majeure partie de la pièce.
    Tout en dépeçant soigneusement une cuisse de poulet rôti à la broche, Elizia dirigea ses regards vers le haut de la table afin de voir qui l’occupait, et il dut presque se tordre le cou pour parvenir à distinguer non sans mal – étant donné qu’il était assis vers le milieu de la table et que ses camarades, comme les domestiques, ne cessaient de se pencher pour manger ou servir -, les visages de plusieurs hommes assis le dos droit et qui n’avaient pas touché au contenu de leurs assiettes.
    Leurs mines austères et renfrognées ne lui indiquèrent d’abord pas grand-chose. Mais en voyant l‘âge certain que quelques-uns arboraient, Elizia comprit aisément que ces personnes étaient ses professeurs.

    ***

    Ils étaient neuf. Un nombre impair.
    Pour des yeux ordinaires, l’apparence de ces professeurs - engagés pour enseigner les disciplines essentielles à connaitre pour diriger un pays - n’avait rien d’exceptionnel - ils ressemblaient à de vieux messieurs grincheux tout au plus. Mais pour d’autres regards plus exercés, ce que les nouveaux étudiants de l’Académie Mondrose ignoraient et ne pouvaient voir, devenait évident et flagrant : ces neuf êtres n’avaient rien d’humain.
    Tapis dans des corps qui n’étaient pas les leurs et camouflant soigneusement leurs capacités aussi surnaturelles que surhumaines sous des attributs humains superficiels, les représentants masculins attendaient patiemment le signal de leur maitre.


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